Mercredi 4 février 2004

Voilà c'est ça ta vie
Tu n'aimais pas ton boulot. Tu savais pourtant que c'était un bon job, que c'était pas trop mal payé vu le nombre de jours de vacances que ça te permettait d'avoir et puis aussi que t'avais étudié pendant des années pour décrocher le concours qui te permettrait de décrocher l'heureux poste. Mais, rien n'y faisait, tu l'aimais pas, ce boulot. Souvent, dans la journée, t'étais là derrière le grand bureau, près du tableau vert, à regarder ces mômes qui, pour la plupart, ne se donnaient même pas la peine de faire semblant de t'écouter, et tu soupirais en t'exclamant : mais qu'est-ce que je fous là ? Certains soirs, tu rentrais chez toi, la tête trop pleine, le coeur trop lourd devant les espérances déçues, et t'avais même pas le courage de sortir les copies du cartable. T'avais juste envie de pleurer.

Et puis un jour, tu as eu un éclair de lucidité et une grande dose de courage. Tu as dit : la vie, c'est pas cet ennui morose, c'est pas possible, ça peut pas être que ça. Près de toi, il y avait l'homme que tu aimais et qui t'aimait et qui était mal de te sentir si mal. Il t'a donné un petit coup de pouce, et, grâce à lui, tu t'es mis à tourner ton regard vers un avenir qui avait l'excitation de la nouveauté. Tout est allé très vite alors. Tu as reçu le papier qui te disait "vous êtes libre pour un an". Tu as eu peur - peur de faire des mauvais choix, peur de prendre des mauvaises voies, peur de gâcher ton temps et tes chances. Mais tu as quand même avancé. Tu ne savais pas où tu allais, mais tu y allais. Tu as voulu croire que le métier qui te tentait, comme ça, du coin de l'oeil, du coin des mots, pouvait être pour toi. Tu as postulé pour la formation que tu voulais, celle qui t'apprendrait ce nouveau métier - ce nouveau métier qui te rapprocherait enfin, pensais-tu, des livres et des mots, de la création et de l'écriture. Tu as été reçue à la difficile sélection. Tu es redevenue étudiante et, pour apprendre ce nouveau métier, tu t'es mise à prendre un rythme de vie infernal : sur les bancs de l'université une partie de la semaine pour acquérir la théorie, et au sein d'une entreprise pour découvrir la pratique l'autre partie de la semaine. Ca y est, tu étais lancée dans ta nouvelle vie.

Seulement, la vie n'est jamais comme on aimerait qu'elle soit. Tu ne pleures plus le soir et il n'y a pas de copies dans ton cartable. Mais souvent dans la journée, tu te dis, Mais qu'est-ce que je fous là ? A l'université, on te forme à entrer dans un moule qui ne correspond à rien d'autre qu'au fantasme de quelques universitaires ignorant du monde du travail. Ca t'énerve de voir ces gens qui prétendent t'apprendre un métier qu'ils ne connaissent pas eux-mêmes. Dans l'entreprise, c'est autre chose, mais c'est pas mieux. On te considère comme une rien du tout. On ne te donne pas de boulot ou alors, quand on t'en donne, ça ressemble à du simple secrétariat. Tu te sens méprisée et souvent tu voudrais laisser tomber ces gens avant qu'à cause d'eux tu ne te sentes toi aussi méprisable. Tu veux bien avoir l'humilité de celle qui apprend, la condescendance de celle qui débute. Mais pour autant dois-tu accepter de faire des tâches subalternes pour 200 euros par mois ? L'humilité ne doit pas devenir une humiliation, tu le sais bien.

Tu en es là de ta vie. Déçue de voir qu'elle n'est pas comme tu l'aurais voulu. Triste de constater que ton courage ne t'a pas récompensée. Malheureuse de remarquer qu'encore une fois on prétend ignorer tes compétences et tes connaissances. Quand donc saura-tu ce pour quoi tu es faite ? Et plus encore : quand donc sauras-tu en convaincre les autres ?

où es-tu ?



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