Mardi 14 septembre 2004

Tripoli, souks, mosquée et port
Aujourd'hui, visite de Tripoli, deuxième ville du Liban, située au nord, à une vingtaine de kilomètres de la frontière syrienne. La ville est presque exclusivement musulmane et est tout entière dédiée au commerce. Nous laissons les parents d'O. faire leurs courses, tandis que nous ouvrons notre guide pour essayer de nous repérer un peu. En fait, ce n'est pas si facile de savoir où l'on est et d'aller là on on veut aller, car tout le centre ville est composée de toutes petites ruelles, sombres et étroites, qui paraissent tourner dans tous les sens. On a vraiment l'impression que la zone consacrée aux souks est immense - encore plus grande en tout cas qu'à Saïda ou à Baalbek. Partout des boutiques. Partout des gens qui tâtent des étoffes, discutent les prix, choisissent des épices. Encore une fois, le dépaysement est total pour moi - et pour O. aussi d'ailleurs. Chaque rue a un thème. Ici, des souks consacrés aux fruits et légumes, avec au milieu de la ruelle un caniveau improvisé où pourrissent des figues dévorées par les mouches. Là, toute une rue réservée aux bijoux et à l'or. Là bas, les parfums, ou bien les épices, la cordonnerie, le travail du bois... Dans ce dédale de rues règne une agitation impressionnante. Et pourtant, on a le sentiment de voyager dans un autre temps. Où d'autre qu'ici pourrait-on voir des hommes assis sur le trottoir, devant leur boutique, en train de réparer avec une grosse aiguille des matelas ? Ou encore des marchands de café, poussant leur petite roulette surmontée de cafetières de cuivre et invitant chacun à prendre une pause sur le bord de la rue ? En se promenant ainsi parmi les souks, je me sens plus qu'ailleurs touriste et je m'en veux de ne pas pouvoir me mélanger à tous ces gens ici réunis et paraître comme eux. Mais en même temps, ce qui est rassurant, c'est que nous pouvons nous promener sans être importunés par des marchands qui voudraient nous refourguer leurs marchandises. Je me souviens dans le grand bazar d'Istanbul, tous ces assauts sur les touristes européens : "english ? deutch ? french ?" Ici, le touriste est bien plus rare et n'est pas considéré comme l'inévitable puits à sous. On peut s'arrêter pour regarder, et même discuter avec simplicité.

Près des souks, on arrive devant la Grande Mosquée. C'est un peu bête, mais je ne voulais pas partir du Liban sans être entrée au moins dans une mosquée - et en montrer une à O. qui n'en a jamais visitée. Je sais que les femmes doivent être couvertes et j'ai apporté un gilet noir et un voile. Mais le gardien, à l'entrée, me dit que ça ne suffit pas et que je dois revêtir une longue tunique me couvrant de la tête au pied. Il s'en va quelques instants et revient avec ce qui, vue la chaleur, ressemble à un grand manteau, trois fois trop large pour moi. Je m'en enveloppe, en faisant attention à ne pas faire dépasser des mèches de cheveux et nous entrons dans la mosquée. Nous passons sous des portiques à arcades entourant une cour carrée avec, en son centre, une fontaine à ablutions où des gens prient. La salle des prières proprement dite, recouverte de tapis, se trouve au fond, mais on ne peut pas y entrer. On aperçoit le minaret qui, en fait, est l'ancien clocher de ce qui fut autrefois une cathédrale. Toujours les religions qui se croisent partout... Nous sortons assez rapidement - j'étouffe sous cette étuve ! Le gardien, récupérant la robe, nous fait comprendre qu'on doit lui verser 1 000 lires. Hum, c'est sûr que c'est dans la religion de faire payer ainsi les touristes ?

qui est-ce dans la grande mosquée ?

Nous traversons ensuite des ruelles en escalier, envahies par des odeurs fortes, pas toujours bien agréables aux narines. Nous arrivons enfin au Château de Saint-Gilles (Qalaat Sanjil) construit au début du XIIe siècle par les Croisés. Nous n'entrons pas le visiter, mais à ses pieds, près d'un cimetière musulman, nous pouvons profiter de la vue sur la ville. Partout des immeubles blancs qui s'entassent avec désordre sur les flancs des collines environnantes. Tout d'un coup, des chants dans des haut-parleurs jaillissent de tous les côtés. C'est l'heure de la prière. C'est étrange de voir ainsi la ville prier au milieu de ces chants contradictoires qui donnent un brouhaha impressionnant.

Vue sur Tripoli depuis le Château Saint-Gilles

En redescendant sur les souks, nous retrouvons les parents d'O. Ils nous disent qu'ils ont fait des supers affaires et que les prix ne sont vraiment pas chers ici. Ils nous emmènent dans une belle boutique de tissus, conseillée par une des tantes. Nous ne sommes pas déçus : à l'intérieur, de magnifiques tissus orientaux, pour des prix bien bas par rapport à ce qu'on pourrait trouver en France. On craque pour une belle nappe et deux foulards. Dommage que la nappe soit trop belle pour qu'on puisse dîner dessus tous les soirs ! Je voulais aussi acheter des épices pour Kolok qui aime bien en mettre dans la cuisine. Nous allons avec les parents d'O. dans une boutique. Les sacs d'épices sont les uns à côté des autres et il n'est pas facile de savoir quoi choisir si on n'est pas conseillé. Je ne comprends pas trop ce qui se dit entre le vendeur et les parents, mais je ressors tout de même de la boutique avec un sac rempli d'épices et le père d'O., qui a tout marchandé et a eu le tout pour pas cher, affiche un grand sourire sur son visage. Discuter les prix et avoir le sentiment d'avoir fait une affaire sont les règles d'or du commerce ici.

Nous reprenons la voiture pour nous diriger vers le port El-Mina. L'atmosphère est ici très différente de la vieille ville. Une belle route de corniche longe la mer, sur laquelle naviguent de grandes barques de pêcheurs ramenant les unes des poissons, les autres des touristes venus faire un petit tour sur les îles avoisinantes. On croise des femmes voilées en survêtement qui font leur jogging du soir. Tout doucement, le soleil se couche, noyant de rose la ville. En quelques minutes, à peine, la boule de feu a déjà plongé dans la mer, laissant derrière elle la nuit, mais sans pour autant mettre fin à l'agitation de la ville.

Coucher de soleil sur El-Mina


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