Les journées
Du Liban, cette année, je n'aurai vu que de grands salons au sol de marbre dans lesquels sont alignés de larges canapés. La chaleur nous ôte toute envie de découverte. Nous nous levons en même temps que le soleil, épuisés d'avoir tant transpiré dans les draps et d'avoir lutté contre les attaques de moustiques. La journée prend ses aises, s'étale avec langueur, scandée par les repas de poissons grillés et de houmos enroulé dans du pain.
La Sardine supporte mal la chaleur. Je regarde ses bras recouverts de piqûres d'insecte et de plaques rouges d'allergie, et j'ai envie d'embrasser chaque aspérité pour la faire guérir instantanément. O. a installé le petit bateau gonflable « Olympique de Marseille » sur la terrasse. « Ba ! Ba ! », s'exclame la Sardine, en désignant le pmeumatique, le regard plein de joie. Les fesses dans l'eau fraîche, les pieds qui dépassent, on se baigne toutes les deux. Parfois, on baigne aussi Doudou, celui qui est tombé mille fois par terre et qui ne retrouvera plus jamais sa couleur originelle. Je dis, Doudou prend le bain lui aussi ? Et je regarde mon bébé qui frotte le ventre pelucheux de son lapin.
Lorsque le soleil est moins haut dans le ciel, O. annonce qu'on va aller voir Tante Siham ou bien Ralo Issam. Non, non, on va y aller à pied, pas la peine de sortir la voiture, répète-t-on au père d'O. qui a déjà attrapé ses clés. Dans le village, on nous regarde avec curiosité. Est-ce parce que nous répondons « bonjour ! » aux « Ahla! » ou bien parce que nous nous promenons avec la poussette, alors qu'ici personne n'a l'idée de se déplacer à pied même s'il n'y a que quelques mètres à parcourir ? Dans le grand salon de Tante Siham, on mange du raisin et on boit du sirop glacé. La Sardine s'ennuie. Elle se cache derrière un canapé et dit « coucou ! ». Je m'ennuie un peu aussi, car je ne comprends rien à ce qui se raconte. J'essaie de trouver de nouveaux jeux pour occuper la Sardine : découper les grains de raisin et les donner un à un à Baba, faire « bang bang » avec la peluche offerte par une cousine, regarder le paysage par la fenêtre... Soudain, la Sardine n'en peut plus d'attendre. Le temps passe trop lentement. Je lui ai dit Non, ne va pas ici. Alors elle craque. Elle s'étale sur le sol et pleure. On me dit, Mais qu'est-ce qu'elle a ? J'ai un peu honte. Vite, trouver une occupation qui concentrera encore son attention pendant 5 ou 10 min ! Je prends sa petite main et ensemble on va voir la bonne dans la cuisine. La Sardine, intimidée, se cache dans mes jambes, lorsque la jeune femme asiatique me demande son prénom. Amadouée par un verre d'eau ou un petit gâteau, la Sardine retrouve son sourire. Nous revenons dans le salon, où la conversation incompréhensible se poursuit. Je fais les gros yeux à O. On va y aller, maintenant, la Sardine est fatiguée. Je dis ça en français. O. dit, Oui, oui, et traduit en anglais. Il attrape la main de la Sardine qui se met aussitôt à pleurer. Non, il n'y a que Maman qui compte. Les cousins rigolent.
Et voilà, c'est déjà le soir. J'attrape ma petite fille couverte de sueur. Elle lutte pour jouer encore, pour jouer toujours. Mais elle ne tarde pas à s'endormir, épuisée, après avoir fait un bisou à Doudou. Je m'effondre sur une chaise de la cuisine en m'exclamant, C'est fatigant les vacances. Juju, qui tient dans ses bras la cousine de la Sardine qui, elle, ne veut pas dormir, me regarde en approuvant.
Regards extérieurs, c'est ici !
Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. Il y a huit ans. Il y a neuf ans. Il y a dix ans. Il y a onze ans. Il y a douze ans.
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