30 janvier 2000

Bonjour Fred,

Hier, en faisant mes courses, je suis passée devant de beaux bouquets de tulipes. Tu sais, ces fleurs qui, avec leurs formes bien régulières, descendent du Nord en plein hiver pour venir annoncer déjà le printemps. J'ai eu envie de les acheter pour les mettre dans ce beau vase bleu qui est devant ma fenêtre. Et puis soudain je me suis retenue. Je me suis souvenu que désormais j'avais quelqu'un pour m'offrir des bouquets de fleurs. Et je me suis dit que si c'était moi qui m'offrais à moi-même des fleurs, cela signifiait que j'étais seule, alors que ce n'était plus cas. Mon raisonnement est idiot et ne tient pas debout, mais c'est pourtant cela que j'ai pensé à ce moment là.

Seulement, si j'ai quelqu'un pour m'offrir des fleurs, ce n'est pas pour autant que j'en reçois.

En fait, voilà un mois que Roméo existe pour moi, mais je n'ai pas l'impression que ma vie ait changé en quoi que ce soit. Je ne suis pas sûre que cela vient de lui parce qu'il n'a pas l'idée d'offrir des fleurs. Mais cela vient plutôt de moi que je ne sens pas du tout engagée. Pourquoi par exemple n'ai je parlé de Roméo à aucune de mes meilleures amies ? C'est comme si je me disais inconsciemment que ce n'était pas la peine d'en parler car cette histoire finirait avant de vraiment commencer. J'ai l'impression de vouloir rester dans cette indifférence et ce recul. Hier soir, Roméo est allé à une soirée avec ses amis (ce sont aussi les miens). Bien sûr j'étais invitée. Mais j'ai préféré rester ici. Avec mon chat, ma télévision et mon ordinateur. Pourquoi ? Suis-je masochiste ou quoi ? Pourquoi je tiens autant à ma solitude ? Bien sûr il y a la distance, mais elle n'est pas si grande ; bien sûr il y a le boulot, mais il n'est pas si important ; bien sûr j'ai toujours détesté les soirées étudiantes et plus encore depuis que je ne suis plus étudiante, mais est-ce une raison pour passer une soirée en tête à tête avec son chat plutôt qu'avec son Roméo ?

Je ne comprends pas décidément mon attitude. Moi qui d'habitude m'implique avec tant de forces dans tout ce que je fais, comment puis-je faire preuve d'une telle indifférence ? C'est vrai que cette nuit, à trois heures du matin, je me suis réveillée et je n'ai pas trouvé le moyen de me rendormir avant deux heures. Je pensais à mille choses, à commencer par Roméo que j'imaginais à cette heure là dans les bras d'une jeune étudiante qui n'aurait pas tous ces états d'âme qui sont les miens. Ca me faisait un tout petit mal, mais je me disais que je l'avais bien cherché tout de même.

Eva.

Précédente Suivante