30 avril 2000

Depuis deux jours, je me sens désoeuvrée. Je connais bien ce sentiment. Il naît toujours en moi à peu près à la même période, lorsque justement c'est une longue période qui se referme. Cette année, il arrive bien tôt. Nous sommes à peine au mois de mai, et déjà le sentiment de la fin me semble si proche. C'est terrible la fin d'une année scolaire. Certes, il y a l'excitation des vacances et le soulagement devant des contraintes qui s'évanouissent : c'est la légèreté de l'été qui soudain s'affirme. Mais à côté de cet espoir, il y a la tristesse. La tristesse d'une année qu'on laisse derrière soi - d'une année qui s'en va avec les lieux qu'elle a traversés et les visages qu'elle a croisés ou accueillis.

Ca m'est tombé l'autre jour dans la salle des profs, lorsque je parlais du seul sujet qui est sur toutes les lèvres (ou du moins sur une majorité de profs jeunes) en ce moment : les mutations. C'est depuis quelques jours qu'on sait si on reste ou pas dans l'académie et que l'on a à formuler des voeux plus précis au sein de cette académie. Il se trouve que moi je reste ici. Ce n'est pas vraiment un coup de chance, c'est que c'est une académie peu demandée (et ça n'a rien d'étonnant car on en a vite fait le tour). Mais il y a beaucoup de nouveaux profs qui s'en vont - et la plupart du temps sans l'avoir choisi, comme ce jeune prof de sport qui n'avait jamais quitté sa province natale et qui va se retrouver parachuté à Créteil. Si je reste dans l'académie, j'ai cependant peu de chances d'avoir un poste à Evaville. Alors, histoire d'être prête à tout, j'essaie d'imaginer ce qui m'attend : Trifouilli-sur-Evafleuve, cette petite ville d'à peine 10 000 habitants en pleine campagne, ou bien ce lycée classé en zone sensible au nord d'Evaville. Rien de tout cela ne me fait sauter de joie. Et l'idée d'avoir encore une fois à tout quitter et à tout recommencer depuis le début ne m'enthousiasme pas plus que cela. C'est de nouveau l'inconnu qui revient.

La fin de ce connu péniblement construit depuis quelques mois et que déjà je vois partir en fins débris. Tout quitter encore une fois. Et sans savoir encore une fois qui m'attendra, ou justement ne m'attendra pas, dans cette nouvelle portion de vie. J'aime bien le changement, mais tout de même, ce serait moins difficile si j'avais quelque chose d'inaliénable qui me servirait de repère.

Hier, à cette soirée qui réunissait mes amis de l'école des profs, j'étais un peu triste. Car lorsqu'on se disait qu'on allait bientôt se revoir et se retrouver pour un bon dîner, je savais bien que c'était peut-être la dernière fois malgré tout qu'on était tous réunis. Car bientôt on sera tous loin les uns des autres.

Décidément, j'ai toujours du mal à tourner les pages.

Eva.

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