- Allo !- Oui c'est moi.
- Ca va ?- Oui ça va.
- Quoi de neuf ?- Ben rien. Je suis pas sortie. J'ai bossé toute la journée. J'ai fait trois corrigés de dissertation et rédigé des polycopiés pour mes élèves.
- C'est bien.- Oui.
- Et il fait beau chez toi ?- Je ne sais pas. J'ai oublié de regarder dehors.
- T'as fait des courses ?- Non.
- Et t'as téléphoné à Machin ?- Ah non j'ai oublié.
- Mais il faut le faire.- Oui oui.
- Bon. A part ça ?- Rien.
- Bon.- Bon.
- T'as mangé ?- Non. Pas encore eu le temps.
- Tu ne penses à rien.- Non à rien.
- Allez je vais te laisser.- Oui.
- Bonne soirée.- Merci.
- Au revoir.- Au revoir.
C'est décidé. Les jours où je vis enfermée sans décoller de mes livres et de mon ordinateur je ne téléphonerai plus. Car c'est fou ce que je peux avoir comme conversation ces jours là. Et en plus cela me permettra de faire des économies sur ma facture de téléphone qui a augmenté de plus de 200 Francs depuis la dernière fois. C'est toujours comme ça. Lorsque je travaille - je veux dire lorsque je travaille vraiment (ce qui ne m'arrive pas si souvent car je passe aussi beaucoup de temps à rêver) - je ne peux me concentrer sur autre chose que sur ce que je fais. Même les acrobaties d'Hannah devant l'écran n'arrivent pas à me déconcentrer. Au lycée ou à la fac j'avais une terrible réputation à ce propos. Personne ne voulait s'asseoir à côté de moi lors d'un devoir sur table car je ne levais pas le nez pendant toute la durée de l'épreuve et je grattais du papier pendant six ou sept heures sans même prendre une demie minute de pause. Alors c'est sûr je déprimais tout le monde car j'avais l'air vraiment inspiré.
Tout ça pour dire que c'est pas la peine qu'on me parle ou qu'on essaie de nouer un quelconque contact social ou amical quand je suis dans cet état là. Il y a des jours où je me dis que c'est peut-être pour ça que je suis toujours célibataire. Car depuis ces dernières années il faut avouer que j'ai souvent été ainsi.
Eva.