1er janvier 2001
Quand j'étais petite, à chaque nouvelle année ou presque, j'ouvrais un nouveau cahier tout beau, tout propre. J'avais mis des heures à traîner dans les magasins pour bien le choisir, en caressant les couvertures ou en comparant la texture des papiers. Je voulais que ces pages vierges et blanches deviennent mon nouveau compagnon. Il le fallait sincère et honnête et, pour ne pas plus tard être trahie, il était nécessaire de procéder avec soin à son élection. Une fois le nouvel ami parvenu sur mon bureau, je choisissais avec solennité mon plus beau stylo et je m'appliquais à calligraphier avec la plus grande habileté la première date de l'année. J'exultais lorsque le 1er janvier tombait un lundi, car je me disais que c'était la façon la plus rigoureuse de commencer une nouvelle année que de la faire débuter par le premier jour de la semaine. J'aimais les dates symétriques : le 1er janvier 1991 était policé par ses deux 9 parfaitement encadrés par ses deux 1 légiférant fièrement. J'imaginais ce jour lointain où je serai si vieille, mais où la date serait enfin la plus parfaite qui serait envisageable : lundi 1er janvier 2001 - ou encore, en lettres chiffrées : 01/01/01.
Enfant, en ce temps où tout est vécu pour la première fois, chaque 1er janvier était nécessairement un nouveau départ, l'ouverture vers une nouvelle ère, un temps inconnu et attendu. Il fallait commencer cet événement par un rituel qui était à la hauteur. Ce rituel ne pouvait être autre chose que celui de la liste disciplinée des bonnes résolutions. Le 1er janvier de la nouvelle année, il fallait tout recommencer, tout refaire en mieux, afin de faire de la nouvelle vie qui s'annonçait une vie enfin parfaite. Presque tous les 1er janvier, je marquais fidèlement une liste de résolutions que j'imaginais fièrement être capable de tenir.
En grandissant, en devenant adulte, je n'ai pas tardé à me rendre compte que les bonnes résolutions n'étaient jamais respectées et qu'aussitôt énoncées elles étaient effacées par les habitudes qui revenaient en force et qui tuaient l'aurore nouvelle avec toutes ses promesses de perfection. Dès que je me suis aperçue que dans le monde des adultes une promesse était rarement respectée, j'ai cessé de choisir de beaux cahiers pour calligraphier de beaux mensonges.
Pourtant, lundi dernier, en ce beau lundi 1er janvier 2001, j'ai eu envie de croire de nouveau à mes promesses, de conclure un serment avec moi-même pour donner encore une chance à la nouvelle année d'être inédite et inespérée. J'ai voulu renouer avec mon attitude de petite fille et calligraphier à l'encre inaltérable une belle liste de résolutions. Désormais, mon cahier n'est plus de papier, mais mes résolutions sont toujours aussi impossibles à suivre. Seulement, je voulais juste avoir l'illusion de mettre un peu d'ordre dans ma vie et croire que je pouvais l'ordonner dans une liste de belles promesses.
Si donc vous voulez jeter un coup d'oeil sur mes Résolutions, c'est ici...
Ce que je lis en ce moment : Un jardin pour mémoire - JC Carrière.
Le Diable par la queue - Paul Auster.