Vide. |
Mardi 23 janvier 2001
L'habitude a guidé ma main sur mon logiciel d'écriture en ligne. La souris de l'ordinateur m'a entraînée jusqu'à cette page et mes doigts ont tapé la date d'aujourd'hui. Un mardi du mois de janvier. Et me voici, ce mardi d'hiver, convoquée à écrire, intimée par la puissance coutumière de mes propres mains sur le clavier de raconter ma vie. Mais je n'ai rien à dire. Je pourrais parler du retard de 50 min du train de 7h38, des débats spongieux en salle des profs sur la grève de jeudi, du repas "spécial nouvel an chinois" à la cantine, de l'enthousiasme d'un élève devant le texte de Rousseau étudié ce matin. Je pourrais, mais quel intérêt ? Je pourrais disserter sur ma vie intérieure, sur mes réflexions métaphysiques sur le sens de cette fichue existence et sur sa réalité propre. Je pourrais analyser mes rêves - les endormis comme les éveillés -, m'introspecter pour savoir qui je suis vraiment. Je pourrais, mais ce serait difficile. Le fil des jours passant semble avoir décousu toute continuité méditative : stérilisée par les habitudes quotidiennes, j'assiste à la noyade de ma capacité de penser elle-même. Je pourrais pleurer sur ma solitude, crier devant mon vide, rire de mon absence de projets. Je pourrais, mais ce serait trop facile : épancher ses sentiments et ne plus contenir ses émotions ne permettront pas pour autant de redresser l'habitude morose ni de renouveler ma pensée paralysée. Voilà tout ce que je pourrais faire... Décidément, je relis cette page, et je me dis que le conditionnel ne devrait pas devenir présent. C'est certainement la page la plus vide que j'ai pu écrire ici. Oui, c'est triste à lire. Mais, non, ne dites pas que c'est ma vie qui est vide.
_______________________________________________ Ce que je lis en ce moment : L'enfant multiple - Andrée Chédid.
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