Flash back |
Samedi 17 mars 2001
Cela faisait longtemps que j'avais envie de mettre en bas de page un rappel vers le passé, sous forme d'un lien vers ce que j'ai pu écrire il y a un an dans ce journal (enfin, l'autre plutôt, Les Yeux dans les Yeux, mais pour moi les Regards en sont la suite logique). J'ai commencé à le faire en bas des pages écrites dernièrement. Mais, ce matin, sans savoir ce qui me prenait, j'ai repris toutes les pages que j'avais écrites depuis septembre et j'ai ajouté un lien vers l'année passée. Il est évident que c'est un effort vraiment inutile, étant donné que personne ne doit lire les "archives" - tellement peu de gens déjà lisent les chroniques au fur et à mesure que je les écris. Pourtant, cela me semblait nécessaire de le faire. Peut-être avais-je envie d'avoir une raison et un alibi pour relire les pages que j'ai pu écrire. Certainement avais-je le désir de regarder en arrière, étant donné que depuis quelque temps je ne sais plus très bien où je vais et qu'il n'y a personne pour m'indiquer la direction à suivre. Car en ajoutant tous ces liens, j'en suis venue bien évidemment à relire quelques pages de mon journal. Difficile d'ouvrir tant de pages sans jeter un coup d'oeil sur elles. Jeter un coup d'oeil seulement, car pour beaucoup j'ai été incapable de tout lire en entier. D'abord parce que lire toutes mes archives m'aurait pris beaucoup de temps. Mais aussi parce qu'il m'était pénible de relire ce que j'ai écrit. Je n'ai jamais réussi à lire ce que j'écris. Lorsque j'étais étudiante, je ne relisais jamais mes devoirs, prenant le risque de laisser passer de grosses fautes d'orthographe ou des lapsus. Se relire, c'est affronter son propre regard - un regard distancié, presque objectif, sur ce qu'on a pu être à un certain moment. Mais si ce jugement a une certaine objectivité grâce à la rupture temporelle, il a aussi un prodigieux accent de lucidité, ne pardonnant aucun défaut, n'ignorant aucune maladresse. Par conséquent, en me relisant, je n'ai pu qu'être sévère avec moi-même. Tout d'abord, je me suis aperçue qu'étaient presque illisibles toutes toutes ces pages écrites en rouge sur un fond plutôt foncé. Où avais-je la tête pour laisser le lecteur affronter un tel supplice oculaire ? Ensuite, j'ai trouvé que presque tout ce que j'avais écrit était bien superficiel. Les entrées étaient plus courtes, parfois sans intérêt, surtout lorsque j'étais fatiguée ou malade (ce qui arrivait souvent l'année dernière à vrai dire). J'y faisais peu de descriptions et racontais peu d'événements de ma vie quotidienne, et en même temps je ne développais réellement aucune réflexion poussée. Ce n'est pas que ce que j'écris aujourd'hui soit plus intéressant à mes yeux, mais j'ai l'impression de faire un plus profond effort d'introspection sur moi-même que je ne le faisais auparavant. Peut-être que le fait d'écrire désormais seule rend moins pesant un regard directement présent et m'incite à me confier de façon plus déliée. En tout cas, c'est étrange, car j'avais gardé dans mon souvenir abstrait des pages plus dignes d'intérêt, dont je ressentais même une certaine fierté. C'est terrible de se relire et de s'apercevoir que la mémoire ne correspond pas à la réalité. Ce n'est pas vraiment moi qui ai changé. Au fond, je me rends compte que j'ai les mêmes angoisses et la même insatisfaction que l'année dernière. Mais mon écriture a, malgré moi, évolué, me semble-t-il. Peut-être est-elle devenue plus mûre. Ce journal n'est plus un amusement, mais un miroir qui essaie d'être fidèle, ou du moins réel. Il m'arrive même d'avoir le désir de briser cette glace réfléchissante, pour ne pas en rester à la superficie de la vitre, mais parvenir à entrer plus profondément en mon image. Toutefois, je ne renie pas les pages que j'ai écrites. Elles sont un bout de moi, et je sais bien que pour accepter celle que je suis il faut accepter celle que j'ai été. Je trouve certaines pages de mon journal inintéressantes... Mais est-ce là le but d'un journal - d'être intéressant ? L'intérêt d'un journal quotidien est-il simplement dans sa trame narrative ou spirituelle, ou bien prend-il sens dans le reflet du monde qu'il fait rejaillir ? Si mon journal était moi-même, pourquoi aurais-je à en avoir honte ? _______________________________________________ Ce que je lis en ce moment : Catherine Morland - Jane Austen Psychanalyse des contes de fées - Bruno Bettelheim Ce que j'écoute : Lynda Lemay Résolutions tenues : 1 !!!! (je suis enfin allée à la piscine nager mes 2 km !) Il y a un an.
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