Vapeur d'eau |
Dimanche 22 avril 2001
Soyons honnêtes dès le départ de cette chronique : je viens écrire ici, mais je n'ai strictement rien à dire... Je veux dire : rien à dire d'intéressant. Car il est certain qu'on a toujours quelque chose à dire. Les conversations sont remplies des mots de gens croyant avoir de quoi parler. Mais moi, je n'ai rien d'intéressant à dire. Je l'avoue. Mais je continue quand même. "Tout ça va être du remplissage alors !", dirait l'Evamama qui, parce qu'au moins elle a l'esprit pratique, ne comprend pas pourquoi on peut bien employer des détours pour dire ce qui pourrait dire directement par un sujet + un verbe + un complément (un simple et solitaire complément d'objet, les compléments d'objet indirect et second ne sont que du "baratin", bien entendu). Bref, remplissage ou pas, il faut bien pourtant que j'explique pourquoi je n'ai rien à dire. Je n'ai rien à dire car j'ai de la vapeur d'eau dans la tête. Mes pensées ne sont ni solides ni liquides : ce sont de simples images aériennes qui s'envolent dans un souffle. Mon esprit est embué. Je vois tout flou lorsque je regarde dans ma tête, exactement comme lorsque je me regarde dans un miroir après être restée trois quart d'heure dans un bain brûlant. La vitre est couverte de brouillard d'eau. Et mon cerveau est pulvérisé par une pensée brouilleuse et brouillonne. Alors c'est pour cela que j'écris : dans le peu de lucidité qu'il me reste, j'imagine que le miroir de mon journal pourra rendre plus limpides les fines gouttelettes que mon esprit génère avec peine. J'écris pour voir clair. Mais lorsque la vie est un brouillard d'hiver, y a-t-il quelque chose à voir ? Non, ce n'est pas ça. J'écris pour transformer la brume blanchâtre en bouffées de lumière. J'écris pour enfin cesser de m'évaporer et pour reprendre possession de moi-même. J'écris pour fixer ma vapeur d'eau et l'empêcher de tacher les miroirs. J'écris parce que je ne sais pas dans quel sens regarder ma vie.
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Ce que je lis en ce moment : Un animal doué de raison - Robert Merle Mrs Dalloway - Virginia Woolf Ce que j'écoute : encore Harry Connick Jr. (j'ai pas d'autre CD) Ma question du jour : pourquoi je n'écris que du vent ? Il y a un an. |