Fictionnaire |
Mercredi 6 juin 2001 Pendant toute l'année, j'ai été un pédarogue monautomne, au visage marqué par le doeil à force de contempler l'adoliquescence de la jeunesse actuelle. La moisiveté de mes élèves face au dodogmatisme du célèbre Kantgourou s'expliquait certainement par leur assiduité bien trop sérieuse aux cours donnés à la Luniversité. Cependant, ce matin, prise soudain d'un gag à l'âme, j'ai décidé de fermer à clé mon maudit larmoir. J'ai jeté la clé à la poubelle et je me suis faite flemmartiste de grand chemin. Je vous le promets : il n'y a rien que ces longues promeuhnades estivales, où liberté m'est donnée de devenir introspecteur du quotirien. Einh ? Quoi ? Vous ne comprenez pas ce que je raconte ? Vous ne possédez donc pas de fictionnaire dans votre bibliothèque ? Pourtant tous les enfants du monde, ainsi que tous les poètes qui sont en réalité eux aussi de grands enfants (ils ont juste remplacé les jouets par des mots) connaissent bien cette technique linguistique. Un fictionnaire existe dans l'imagination de chacun : il suffit de prendre deux mots, en veillant à les écouter d'une façon inédite et à contempler avec des yeux nouveaux les images dont ils se revêtent. L'on met ensuite ces deux mots dans une valise pleine de légèreté amphibologique et de malice homologique et l'on secoue le mélange. A l'issue de ce processus d'imagination, si l'on ouvre le bagage magique, l'on y trouve alors ce qui s'appelle un mot-valise : un mot formé par la conjugaison astucieuse de deux autres mots qui, bien loin de ne vouloir rien dire, en dit bien plus qu'il n'y paraît - "sur-signifie" comme on dit quand on est professeur à la Sorbonne. C'est une économie merveilleuse : c'est le principe du marketing moderne, le "2 en 1" (comme les shampooings par exemple). En un seul terme, on peut dire toute l'ambiguïté d'un état d'âme ou d'un sentiment ! Imaginez donc ! C'est le langage devenu enfin libre ! Ce sont les mots débridés de toute contrainte syntaxique et de tout carcan académique ! Mais il ne suffit pas d'inventer le mot. Il faut surtout inventer la définition qui va avec. C'est ça le principe du fictionnaire. Pour vous donner un exemple, je vais recopier la définition de quelques mots employés dans le premier paragraphe de cette page. Ces articles ne viennent pas de moi mais d'un certain intellectuel médiatisé qui, par un excès de clairvoyance, n'a pas toujours dû se prendre au sérieux puisqu'il a écrit ceci : Ralentir : mots-valises ! (c'est le titre). Cet intellectuel s'appelle Alain Finkielkraut. Après avoir lu ce petit livre, on ne peut plus penser que les intellectuels ne peuvent être qu'ennuyeux... pédarogue : professeur aigri par l'indifférence de ses classes. Je pourrais encore continuer comme cela longtemps. Mais le mieux est que vous alliez lire vous-mêmes le livre ! Après avoir vu de tels exemples d'invention lexicale, on se demande bien pourquoi on est bêtement discipliné et pourquoi on obéit aux commandements du Petit Larousse. Pourquoi ne pas chacun inventer son propre dictionnaire ? Après tout, chacun vit le monde selon une façon qui lui est propre : on devrait anologiquement pouvoir dire ce monde avec des mots qui n'appartiennent qu'à nous. Je vais donc vous donner quelques exemples de l'Evalexique. Si j'avais eu aujourd'hui à décrire mon état d'âme, voici les mots que j'aurais pu utiliser : Hannah, qui, lorsqu'il s'agit de s'amuser et de partir à la chasse aux mots, n'est jamais en reste, a voulu, elle aussi, vous faire part de quelques unes des pages de son Félinaire. Voici ce que cela donne... ronronnébuler : ne rien faire d'autre qu'être allongé dans l'allée chauffée par le soleil d'été . Et vous ? Vous en avez des mots comme ça dans votre valise linguistique ? Je serais curieuse de les connaître ! ![]() _______________________________________________
Ce que je lis en ce moment : La Retraite sentimentale - Colette Ralentir : mots-valises ! Alain Finkielkraut (Seuil) Ce que j'écoute : Tchaïkosvky - Album pour enfants Il y a deux ans.
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