Mercredi 13 juin 2001

Voici bientôt un an que j'ai fait la connaissance de ma désormais fidèle auto - la Twingomobile. Nous n'avons pas beaucoup voyagé ensemble - à peine plus de 4000 km - mais nous sommes aujourd'hui amies. Twingomobile est souvent à mon écoute et est pleine d'attention à mon égard. Elle sait que j'aime bien que le siège soit proche du volant, parce qu'elle connaît très bien mes jambes qui ne sont pas bien longues. Elle s'amuse à partir aussitôt, à la seconde près, lorsque je lui chuchote doucement l'ordre du bout du pied, en caressant tendrement sa pédale droite. Nous savons nous parler l'une à l'autre.

Sauf lorsque nous revenons ensemble de virée. A ce moment là, Twingomobile devient insupportable. Je le sais, elle me fait à chaque fois le coup de la mauvaise colère.

C'est ainsi que nous avons de terribles scènes de ménage lorsqu'il s'agit de faire un créneau pour se garer. Il faut dire que dans le quartier où j'habite, il faut bien tourner une vingtaine de minutes dans de toutes petites rues avant espérer trouver une minuscule place vide coincée dans une ruelle étroite entre deux voitures. La difficile circulation de la ville nous oblige toutes les deux, à Twingomobile et à moi, à prolonger à l'excès nos tête-à-tête.
broum broum

Et dans ces moments là, nous sommes toujours en désaccord profond. Je dis à ma fidèle compagne motorisée d'aller tranquillement là où j'ai repéré un petit coin sympa. Mais à chaque fois ou presque, elle prend son air maussade et grognon, refusant d'obéir à mes ordres, pourtant donnés avec tant de persuasion. La capricieuse auto refuse de se garer ! A chaque fois, c'est pareil : et vas-y que je cale en pleine rue passante... et vas-y que je rentre dans le trottoir (du côté ou d'en face, il n'y a pas de jaloux comme ça)... et vas-y que je t'use les pneus à rater ma marche-arrière... Je me demande bien pourquoi à chaque fois qu'il s'agit de se garer, ma petite Twingomobile joue les enfants gâtés et n'en fait qu'à sa tête.

Je l'aime bien malgré tout, l'Evamobile, malgré ces crises qu'elle me fait sur le parking. Seulement, ce matin, elle a poussé le bouchon un peu trop loin. Imaginez donc : elle m'a fait une crise en pleine autoroute. Nous roulions tranquillement sur l'autoroute. Bien que moi j'étais crispée sur le volant parce que je n'ai pas l'habitude d'aller sur d'aussi grandes routes, elle, elle avait pris ses aises, et filait à vive allure, petite caisse verte doublant avec une intrépidité folle ces énormes tanks que sont les camions qui peuplent les autoroutes. Nous allions chercher nos copies de bac pour les corriger. Nous avions fait plus de 70 km. Nous étions contentes, parce que nous étions bientôt arrivées. Cindy Lauper nous criait dans les oreilles, pour nous donner de l'entrain. Mais la petite Evamobile avait tellement d'entrain que lorsqu'elle a vu le panneau "sortie" à sa droite, elle n'a pas pris le temps de réagir ! Elle a continué à avancer, sans comprendre apparemment que c'était là qu'il fallait partir pour quitter cette route-prison où les voitures filent. Oui, Twingo-mobile a raté la sortie d'autoroute, m'obligeant à sortir à la prochaine sortie, soit 30 km plus loin, puis à revenir sur mes pas (donc prolongeant le voyage d'une soixantaine de kilomètres) ! Oui, elle a fait ça ! Non non, ne soyez pas de mauvaise foi ! Ne dites pas que c'est moi qui pourrait ne pas avoir vu cette fichue sortie ! C'est bien elle qui m'a forcée à faire en tout 190 km parce qu'après avoir trouvé la sortie d'autoroute, elle m'a perdue, incapable qu'elle était de me mener au lycée ! C'est bien elle aussi qui s'est amusée à me faire mourir de chaud, me faisant croire qu'elle roulerait moins vite si les fenêtres étaient ouvertes !

Oui, d'accord, c'est vrai, je l'aime bien quand même mon Evamobile... Mais c'est un amour vache. Elle a beau me regarder en prenant son air innocent, et ressembler à une adolescente avec tous ses boutons sur son visage, elle sait bien comment se rire de moi, la coquine ! Quelque fois, elle me fait des blagues de potache. Elle appelle tous les pigeons du coin, et elle dit : "venez-voir comme mon capot est agréable !". J'ignore si l'auto et les oiseaux font ensemble une grosse boum ou fument des pétards, mais ce que je sais c'est que le matin je retrouve ma petite Twingomobile pleine de caca blanc. Je la fâche à chaque fois. Mais rien n'y fait. Je crois que ça l'amuse de me voir en colère.
le visage de mon auto

Demain, on part ensemble à la campagne, pour prendre le grand air et travailler tranquillement. Voulez-vous parier avec moi qu'elle me fera encore un coup dont elle a le secret ?