Grand
concours de nuages
ouvert à tous !



pour m'écrire














































































































hier demain
Jeudi 12 juillet 2001

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c'est les vacances. Bien que le temps ne soit pas au beau fixe, j'ai décidé hier, plutôt que de déprimer, de sortir mon vélo pour aller faire un tour dans les champs.
Mon vieux vélo rouge commence à devenir une antiquité et ne serait pas assez courageux pour faire le Tour de France. Mais il m'a accompagné un bon nombre d'années sur les petits chemins de campagne. Aujourd'hui, on ne réserve ces ballades sur terrains accidentés qu'aux valeureux VTT. Pourtant, lorsque j'étais petite, ma bonne vieille bicyclette faisait bien l'affaire pour m'entraîner sur les chemins interdits. Quel que soit l'obstacle, elle me restait fidèle. Et que demander de plus à un vélo que d'être fidèle ? La constance et le dévouement sont bien les qualités qu'on doit attendre d'une bicyclette.
mon vélo rouge

Mais ce que je préfère dans les balades en vélo, c'est moins de pédaler contre le vent (hé, c'est que c'est fatigant à la longue !), que de laisser tomber l'engin sur le bord de la route et d'aller à pleins poumons respirer la campagne. Sur un vélo, même s'il ne roule qu'à dix kilomètres heure, le paysage défile bien trop vite et même si on veut être attentif, on en laisse passer la moitié. A pieds, le temps peut se rallonger indéfiniment. Quoi qu'on en dise, les pieds sont la meilleure façon de contempler la nature : les moteurs et les mécaniques effacent les détails, seuls les pieds et les jambes sont capables de les rendre de nouveau visibles. Marcher permet non pas seulement de se déplacer, mais de tout à la fois sentir, humer, regarder, toucher, musarder... Au fond, les jambes sont la meilleure invention de l'humanité, puisqu'on ne peut rien faire de tout cela dans une automobile ou dans un train par exemple.

Mais ce que je préfère encore plus dans les balades où le vélo a été abandonné au bord de chemin, c'est de m'allonger au milieu d'un champ et de coincer les yeux contre le ciel. Là, tout contre l'infinité, comme s'il n'y avait plus rien entre le ciel et moi. Comme si le bleu était un prolongement de la couleur de mes yeux. Comme si j'étais moi-même une habitante du firmament.

Et ainsi, les pieds en éventail et les yeux dans le ciel, je peux me livrer à mon activité estivale par excellence : le concours de nuages. Vous ne connaissez pas ? C'est pourtant très facile. Laissez-moi vous donner la règle du jeu. Il suffit de contempler un nuage un certain temps - pas trop longtemps toutefois, car très vite il se désagrège, surtout s'il y a du vent. Dans cette pure contemplation, l'enjeu consiste à laisser apparaître dans votre esprit les images qui viennent se superposer à la forme blanche ou grise. Il suffit d'attendre, et très vite des formes animales, végétales, féeriques, métaphysiques même, viennent recouvrir le nuage, comme si elles y avaient été contenues de toute éternité. Le concours de nuages est une activité picturale : on peint des réalités à partir des formes existantes, mais, pour ce faire, il faut utiliser non pas un pinceau, mais une pointe très aiguisée par l'imagination.

Je suis sûre que vous vous êtes livrés à un tel jeu lorsque vous étiez petits. Voulez-vous jouer de nouveau aujourd'hui avec moi ? Avant que vous ne vous précipitiez dehors et leviez les yeux au ciel, laissez-moi vous proposer quelques exercices préparatoires...

Observez cette photo...

un nuage

Que voyez-vous dans ce nuage ?
Un dromadaire marchant dans un désert bleuté et laissant des traces de pas derrière lui.
Un canard en train de faire sa toilette (on voit distinctement sur la droite qu'il a rangé son bec dans ses plumes)
Un peu de mousse à raser oublié au coin du menton de mon amoureux/de mon propre menton.
Euh, elle débloque complètement, Eva, ou quoi ? Moi je ne vois qu'un nuage !
Oui, c'est très clair, moi je vois complètement autre chose. C'est...

Et dans ces nuages là, vous voyez quoi ?

des nuages roses

Une souris rose qui s'est enfuie d'un méchant laboratoire qui voulait faire des expériences scientifiques sur elle.
De la barbe à papa qui serait tombée par terre et qui serait toute sale.
Ma belle-mère qui a raté sa teinture chez le coiffeur.
Un vulgaire coucher de soleil trafiqué par Photoshop.
Tu sais pas voir, Eva, moi je vois :

Ben voilà, je crois qu'il ne vous reste plus qu'une seule chose à faire maintenant : filer dehors et aller faire votre propre concours de nuages ! Vite, dépêchez-vous, avant qu'il ne se remette à faire vraiment beau !




Il y a un an.
Il y a deux ans.