Dimanche 24 novembre 2002

Le monde entier se tient par la main
Quand on est amoureux, la terre entière est amoureuse de la terre entière. Je vois partout des gens qui se tiennent par la main. La planète a été dépeuplée de ses habitants ordinaires et il n'y a plus que des amoureux partout. Partout. Dans les rues, avec lui, tous les gens que nous avons croisé se regardaient langoureusement dans les yeux. Tous sans exception, j'en suis persuadée. Ils sont de tous les âges - des jeunes, des vieux - mais ils sont partout. Partout il y a des couples qui se tiennent par la main, qui s'embrassent dans le cou sur le quai du métro et qui se caressent les jambes sous les tables des restaurants. Le monde est envahi par les amoureux. Oui, je l'ai vu, de mes yeux vu. Ou bien c'est mon regard qui ne sait plus rien voir lorsque je suis avec lui. Le monde a changé de couleur, de forme, de sens. Il n'y a plus rien autour de moi - plus rien autour de nous. Tout le reste est baigné dans un flou indistinct au coeur duquel n'émergent que des duplications rêvées de notre histoire.

nos mains

Je ne vois plus rien, je ne sais plus rien. Au retour de la soirée de samedi, S. me dit, dans une confidence à peine voilée, qu'il n'y avait que des mecs sans intérêt à cette fête. Je n'ai rien à lui répondre. Je n'ai vu personne. Je n'ai aucune idée des gens qui nous entouraient. Je n'ai pas regardé plus loin que son épaule. J'ouvre soudain les yeux et je vois mon amie si triste, si perdue, si seule. J'ai honte d'être heureuse, parce qu'elle, elle ne l'est pas et que, malgré elle, je sais que me voir heureuse la rend plus malheureuse encore, que nous voir tous les deux la rend plus seule encore. Je ne trouve que des phrases stupides à lui dire : Tu verras, ça t'arrivera aussi... J'ai rien fait et c'est venu, pourquoi ce ne serait pas pareil pour toi aussi ? Je dis ça, et je me dis qu'il faut vraiment être cruche pour sortir des clichés pareil. Les gens heureux sont les plus mal placés pour consoler les gens malheureux. Il est des consolations qui sont comme des persécutions. J'ai changé de camp. Je ne fais plus pitié, je rends jaloux. Et l'amour m'a du même coup rendue égoïste.

nos pieds

Au restaurant, tous les deux on discute de nos amis célibataires. On voudrait tous les marier. Marier la terre entière. Juste pour se convaincre que le bonheur qui ne peut être partagé qu'à deux n'est pas si injuste que cela.


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