Dimanche 17 novembre 2002

Bergère ô tour Eiffel
J'ai fait la route dans le brouillard complet. La voiture roulait seule, au milieu de nulle part, dans une brume humide et pesante. Si parfois un grand panneau bleu n'indiquait pas la direction, je n'aurais su où j'étais. "Paris" disaient les pancartes. Je n'aurais pu les manquer pour rien au monde. Il y avait le brouillard autour de moi, mais je savais où j'allais. J'allais là où il est.

Il m'attendait dans un petit café entre Passy et le Champ-de-Mars. Je ne l'avais pas vu, j'avançais perdue dans mes pensées. Il est sorti du café et il a couru derrière moi pour me rattraper. Il avait un pull blanc. Moi, un manteau rouge. Et des gants blancs. Je lui ai dit : "c'est la première fois que je viens à Paris, j'ai besoin d'un guide". J'aime bien mentir parfois, me raconter des histoires, m'inventer une vie que je n'ai pas. Je voulais ce soir là jouer les touristes étrangères en visite dans la ville supposée la plus romantique au monde. Nous avons traversé le pont d'Iéna. La Seine était belle. Enfin, je crois. Je ne sais pas, nous ne la regardions pas. Plusieurs fois nous avons failli marcher sur les petites Tours Eiffel en plastique, babioles de pacotille, étalées sur le trottoir par les vendeurs à la sauvette. Soudain nous avons cessé de nous regarder dans les yeux et nous avons levé la tête. Elle était là, perdue dans ses pensées brumeuses, comme moi quelques dizaines de minutes plus tôt. Elle était grande et lumineuse, gigantesque. Pourtant, à ses pieds, nous étions soudain nous aussi grands et lumineux, gigantesques. Nous ne voyions pas la pointe de la Tour. Elle s'effaçait dans la blancheur cotonneuse de la brume. Qu'importe, nous non plus nous ne voyions pas notre avenir, perdus dans la légèreté ouatée de nos émotions. Mais nous étions tout de même là, aux pieds de la Tour Eiffel, tous les deux.

Bergère ô Tour Eiffel, le troupeau des ponts bêle ce matin

Plus tard, chez lui, il m'a demandé : "tu préfères des roses en plastique qui durent longtemps ou de vraies roses, mais qui seraient éphémères ?" J'ai répondu que je préférais les vraies roses, même si elles ne durent pas. "Parce que c'est plus beau", ai-je expliqué.


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