Mercredi 22 octobre 2003

Je suis étudiante
Il fallait bien que je prenne une décision. Je ne pouvais pas toujours reculer le moment du choix. Ne pas choisir, c'est ne pas avancer, et l'immobilisme est, je crois, bien pire que toutes les erreurs qu'on pourrait faire. Mon avenir, vers où va-t-il ? Je ne sais toujours pas aujourd'hui. Mais je sais qu'il tourne maintenant toujours un peu plus le dos vers son passé. Cessant de tergiverser, j'ai décidé de reprendre des études. Mais des études différentes de celles que j'ai entrepris jusque là et qui sont censées me mener directement vers un autre milieu professionnel. Je ne recommence pas tout à zéro, mais je prends un autre départ. J'ignore où je vais, ni si cet inconnu vers lequel je me dirige sera meilleur pour moi que ce bien-connu que je quitte. Mais j'y vais. J'y vais, et voilà, c'est ma seule certitude. J'ai décidé de prendre le risque d'avoir des remords plutôt que des regrets : je préfère avoir trop fait, plutôt que pas assez.

Même si en un sens je n'ai jamais vraiment quitté l'école, c'est tout de même difficile de reprendre des études quand on les a arrêtées un petit moment. D'abord, il y a cette violente gifle du temps que l'on prend en pleine figure. Se retrouver au milieu de plus jeunes que soi est la meilleure façon de se sentir soudain infiniment vieille. Autour de moi, il y a des petits jeunes qui sont nés en 1982, année de naissance de mes premiers élèves quand j'ai commencé à enseigner (c'est-à-dire que j'aurais pu corriger leur copie de Bac !). Ils portent des baskets non lacées sous leur jean délavé et sont accrocs à leur portable. Ils voyagent avec la carte Imagine-R et n'ont jamais habité ailleurs que chez leurs parents. Moi, je paye des impôts, je vis en couple et j'ai une voiture. Ca vous fout un coup de vieux pas possible. En un sens, je retourne en arrière. Sauf qu'aujourd'hui, je ne peux pas voir les choses comme avant. Les naïvetés des autres me font sourire, voire m'attendrissent.

Et puis, il y a aussi ce rapport que j'ai avec les enseignants qui me font cours. Je suis une élève comme les autres : au milieu du groupe, on ne me voit pas et je me noie parmi les visages. Mais je vois le professeur faire son cours et je me dis "tiens, c'est pas bête comme démarche pédagogique, ça !". Ou alors, je me retrouve en face à face avec un de ces profs de fac et il me demande, sur le ton de la confidence : "c'était comment, enseigner dans le secondaire ?" Il pose la question et me regarde un peu inquiet, comme s'il n'était lui-même que spectateur de l'arène et me demandait comment c'était que de se jeter dans la fosse aux lions. Ma réponse ressemble à celle d'un ancien combattant : je noircis le tableau pour me faire passer pour héroïque et je dis que combattre en première ligne de front, ce n'était pas facile tous les jours. Le prof de fac, qui n'a connu que la confortable université, hoche la tête et a la mine soulagée de celui qui a réussi à se faire réformer.

Voilà, je suis repassée de l'autre côté. Je suis de nouveau étudiante. Aller en cours, prendre sagement des notes et discuter avec ses camarades, tout ça me semble être un peu un jeu. A côté de la vie professionnelle, la vie d'étudiant ressemble vraiment à un amusement. En cours, on s'ennuie un petit peu, mais c'est pas grave : on sait qu'on peut dormir, car de toute façon c'est le prof qui parle et pas nous. En un sens, même si je me sens vieille, j'ai l'impression en même temps d'avoir de nouveau 16 ans. Et c'est pas si désagréable, au fond.




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