Vendredi 11 juin 2004

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
J'aimerais cesser d'avoir peur un jour. Peur de vivre. Peur de mourir. Peur des jours trop courts. Peur des jours trop longs. Peur d'aimer trop. Peur de ne pas aimer assez. Peur d'être moi. Peur de ne plus être moi. Peur de me trouver. Peur de me perdre. Peur de la brièveté. Peur de l'engagement.

J'aimerais savoir d'où vient cette peur qui me serre le creux du ventre. Souvent, il est vrai, je l'oublie. Je suis prise par le monde, et le monde a tant de choses à dire qu'il ne pense plus à me parler de mes peurs à moi, pour me montrer celles des autres. Parfois, même, j'ai l'impression que tout va bien - que rien ne manque en moi, que je suis celle que je voulais être. Et puis, à chaque fois, au détour de la plus inattendue des situations, voilà que l'angoisse revient. Je ne sais pas d'où elle vient. Je sais seulement qu'elle est là. Au fond de mon ventre. Ca serre, ça compresse, ça oppresse.

Mais mon Dieu pourquoi ?

Je crois en vérité que l'Angoisse - celle que j'appelais la Bête, il y a déjà si longtemps - revient lorsque ma vie veut annoncer un changement. Que ce changement soit heureux ou pas, c'est alors que toujours elle réapparaît. La monotonie est agréable - elle fait oublier que le temps passe, que la vie est faite de choix et d'actions. Mais quand elle est soudain cassée, tout apparaît alors si fort et si violent.

J'ai pleuré hier soir. J'en avais le nez tout bouché et les yeux rougis. Mes joues étaient humides. J'ai pleuré dans les bras d'O., dans le noir de la chambre. Doucement. Pleuré mes angoisses, mes peurs - cette maudite Bête qui me rappelle les manquements de mon existence. Je pleurais cette part noire de ma vie qui m'échappe. Mais O. était là, dans mes bras. Il me serrait fort. Il me disait qu'il m'aimait. Qu'il m'aimait toute entière, avec mes imperfections, mon chat boulimique et mes humeurs lunatiques. Toute entière ! Alors, bien sûr, plus il était là à soutenir mon chagrin par sa présence amoureuse, plus j'avais envie de pleurer. Des pleurs différentes - des pleurs d'émotion, douces et fortes à la fois.

J'étais là, à baigner dans mes larmes, à me noyer presque, perdue dans mon angoisse et mon émotion. Et puis tout d'un coup, il est parti dans le salon. Il est revenu avec un paquet. Un paquet-cadeau. J'ai su tout de suite ce que c'était. Je ne m'y attendais pas du tout, mais j'ai su. Alors, bien sûr, je me suis à pleurer encore plus. Pourquoi donc je me transforme en fontaine dans les moments les plus importants de ma vie, dites moi ? Je n'ai pas ouvert le paquet tout de suite. Je n'avais pas besoin, puisque je savais. Au bout de quelques minutes, j'ai fini quand même par déchirer le papier. Il y avait une petite boite carrée. Nous étions dans le noir, dans la chambre à coucher. Sans rien voir, je l'ai ouverte et j'ai glissé à mon doigt ce qu'il y avait dedans. J'ai encore pleuré en souriant, ou souri en pleurant, je ne sais plus. Il a dit C'est juste parce que je ne veux plus être seulement ton copain. Il a dit Peut-être qu'on ne passera jamais à l'étape suivante, ou alors dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans. Il a dit Je veux seulement que les autres sachent ce que je ressens pour toi. Il a dit Je veux que mon amour pour toi ait quelque chose d'officiel. En lui serrant le bras, j'ai dit Ne me force jamais à me marier. Il m'a dit Je ne te forcerai jamais à rien.

Puis j'ai souri dans mes larmes et je lui ai répondu : alors c'est oui. C'est oui, pour ta non-demande en mariage. Oui pour la vie.

Aujourd'hui, je n'ai pas cessé de regarder ma main. Je ne sais pas à quel doigt je suis censée la mettre. De toute façon, j'ai des mains si petites que l'anneau ne rentre que sur le medius. Mais je m'en fiche. Je sais qu'O. est là, avec moi, dans le creux de mon doigt. Et c'est seulement ça qui compte. Nous ne sommes pas obligés de graver nos noms sur un parchemin. Ou plutôt, c'est à nous d'écrire sur le parchemin ce que l'on veut. A écrire que c'est ensemble que nous voulons lutter contre les assauts de la Bête.

la bague mise au bon doigt




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