Jeudi 26 octobre 2006

 

C'était il y a quatre ans

Voilà, ça va faire quatre ans. Quatre ans... Une éternité ! Non, à peine le temps d'un battement de cils. C'était il y a quatre ans, et c'était hier. Je m'en souviens si bien.

C'était en 2002. Je ne retiens jamais les années quand je plonge ma mémoire dans le passé. Mais la date de cette année-là, je m'en souviens. C'est comme un repère dans ma vie. Il y a avant, quand je ne te connaissais pas. Et puis il y a après - quand je t'ai rencontré. 2002, c'est l'année où tout a changé pour moi. 2002, c'est l'année où tu es arrivé dans ma vie.

Te souviens-tu de la date exacte ? Non, je ne pense pas. Les dates, c'est vraiment pas ton truc. Tu sais bien que c'est moi qui, chaque année, dois te rappeler la date de l'anniversaire de ta soeur ou celle de la fête des mères. A chaque fois, ça ne change pas, tu t'exclames : "Pourquoi tu ne me l'as pas rappelé plus tôt !" et tu cours chez le fleuriste acheter un bouquet de fleurs en catastrophe. Chez toi, avec tes origines méditerranéennes, oublier de souhaiter les fêtes des femmes de la famille, c'est blasphème. C'est vrai que tu n'oublies jamais la date de mon anniversaire. Est-ce un miracle ? En même temps, être née la veille de la fête nationale, c'est facile à retenir, reconnais-le.

Tu ne te souviens sûrement pas de la date exacte. Mais je vais t'avouer un secret : moi non plus ! Certes, je me souviens de la date de notre premier baiser. C'est facile à retenir là aussi : c'était la veille d'un jour férié. Je m'en souviens bien, car le lendemain, lorsque tu étais reparti chez toi, à Paris, j'avais passé toute la journée du 11 novembre allongée dans le canapé de Kolok, à rêver de toi. Je m'étais juste levée pour aller regarder par la fenêtre le misérable défilé militaire qui arpentait la rue principale de la petite ville de province où j'habitais. Je me souviens du jour où la première fois que tu as posé tes lèvres sur les miennes. Je peux te donner la date exacte. Mais pour le reste - pour le plus important - c'était quand ?

Quelle est la date de notre premier regard ? Quelle est la date de la première fois où ma main a frôlé la tienne ? Quelle est la date du premier battement de coeur accéléré que j'ai eu en pensant à toi - à toi tout près de moi ? Je ne sais pas, je ne sais pas... Ces détails-là se sont enfouis dans la mémoire floue et incertaine de mon passé. Ces détails-là sont le plus important de notre histoire. Mais je ne peux dater avec précision leurs débuts. Un jour, je t'ai rencontré. Mais alors je n'ai pas pensé à noter cette date pour la retenir plus tard. Notre rencontre, au moment où elle a eu lieu, n'avait pas vraiment d'importance pour moi. Tu étais un type qu'avait rencontré mon amie H. pendant l'été et avec qui j'avais échangé un ou deux mails en prévision des vacances que nous préparions ensemble. Lorsque je t'ai rencontré, tu n'avais pas plus d'importance pour moi qu'un collègue de bureau par exemple. Combien de gens nouveaux rencontre-t-on tous les mois ? Pense-t-on à chaque fois à noter la date avec précision ? Non, car la plupart de ces rencontres n'ont pas d'importance sur le cours de notre existence. Comment pouvais-je savoir alors, la première fois que je t'ai vu, que tu allais changer ma vie - soudain l'illuminer, soudain la rendre plus solide, plus précieuse ? En un sens, le jour de notre rencontre a été décisif, puisque rien n'a plus été pareil après que tu sois entré dans ma vie. Mais à ce moment-là, je ne le savais pas encore. Alors, la date exacte est entrée dans l'oubli.

Et puis, il faut être honnête. Est-ce si important la date d'une première rencontre ? Ce n'est pas le jour de la rencontre qui est décisif - c'est tout ce qui se passe après. Tout ce qui se passe lentement, imperceptiblement, dans l'émotion indicible des premiers frissons, des premiers picotements du coeur. La foudre n'est pas tombée sur moi lorsque je t'ai rencontré. Je ne t'ai pas trouvé merveilleusement beau, comme cela se passe dans les films. De toute façon, tu sais bien que le coup de foudre n'est qu'une supercherie inventée par les producteurs d'Hollywood et les auteurs de contes de fée. Si on pouvait tomber amoureux en l'éclair d'une seconde, on ne pourrait pas aimer ensuite toute une vie. Ca prend du temps d'aimer. On ne tombe pas amoureux, mais on se laisse tout doucement tomber dans l'amour. Parfois, c'est rapide, c'est vrai. Mais ça dure toujours plus longtemps qu'un simple regard. Il ne m'a pas suffi de te regarder pour t'aimer. Il a fallu aussi te regarder vivre, te regarder sourire - te regarder pleurer peut-être aussi. Entre notre première rencontre et notre premier baiser, il n'y a eu que quelques jours, c'est vrai. Mais ces jours-là ont duré des siècles tellement ils étaient riches en émotions, en rires, en surprises. J'ai mis des siècles à tomber en amour de toi - même si ces siècles ont duré à peine quelques jours.

Je ne me rappelle pas de la date où j'ai su que c'était toi. Que c'était toi et moi. Je ne m'en souviens plus car cette date n'existe pas. Ce qui nous a rapproché l'un de l'autre était imperceptible. Presque invisible. Invisible aux yeux de notre amie H. qui, partenaire de notre rencontre, n'a pourtant rien vu de ce qui se jouait entre nous. Plus encore, invisible à nos propres yeux. Car savais-tu alors ce qui se passait dans ton propre coeur ?

La date n'existe pas. Ce que je sais, c'est ce que je n'oublierai jamais. C'était il y a quatre ans. Lors d'un merveilleux été indien, aussi doux et ensoleillé que celui d'aujourd'hui. C'était il y a quatre ans, sur une plage de Bretagne. C'était il y a quatre ans, sous les embruns, entre les vents salés qui venaient emmêler mes cheveux. C'était il y a quatre ans. C'était hier.

 

 
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