J'ai perdu l'envie. Comme ça, je ne sais pas trop pourquoi. Perdu l'envie d'écrire ici. Non seulement je n'écris pas, mais je ne pense pas non plus à ce que je pourrais bien écrire. J'oublie qu'ici existe. Ce n'est pas la première fois qu'il y a des silences, mais souvent les silences sont pleins de mots. Je ne viens pas devant l'écran, mais dans ma tête, je tourne les phrases dans tous les sens et j'écris des textes le soir avant de m'endormir. Depuis plusieurs jours, plus rien. Je n'écris pas dans ma tête. Je ne pense pas à venir voir ici et à regarder ce qui s'y passe. J'ai l'impression que c'est la première fois que ça m'arrive. La première fois que l'envie s'en va de façon aussi franche. C'est bizarre.
La vérité, c'est que je suis ailleurs. Je trompe mon journal avec un autre. J'ose à peine l'avouer, mais voilà : j'ai ouvert un blog, très loin d'ici, dans ma vie officielle. Un blog à qui j'ai donné l'adresse à mes amis et à ma famille et où je ne me montre pas tout à fait à visage couvert. Un blog pour parler de notre futur voyage au bout du monde et pour commencer à se créer un petit endroit bien à soi où, de l'autre côté du réseau, nous pourrons raconter et montrer en images ce qui sera - enfin - notre voyage de noces. Écrire en sachant que des gens que je connais, que je côtoie quotidiennement peuvent me lire, c'est tellement différent d'écrire ici, sous l'anonymat de mon identité virtuelle. Il n'est pas question de journal intime, et encore moins de confessions. Ce blog est juste une cour de récréation, un endroit où rigoler avec des amis bienveillants. J'ai un petit peur parfois d'aller trop loin, de me laisser aller par les mots. J'essaie de faire attention et de rester sur mes gardes, pour ne pas mélanger les deux écritures. Je ne peux écrire là-bas comme j'écris ici, c'est certain. Ici, c'est à moi, rien qu'à moi. C'est mon endroit secret où j'apprends à me reconnaître. Là-bas, c'est juste un prolongement de ma vie sociale − une vitrine de l'image officielle que j'accepte de donner de moi-même aux gens qui m'entourent.
Je suis désolée de vous tromper ainsi, vous, lecteurs de l'ombre. Mais ne vous inquiétez pas, je finirai bien par revenir ici et me lasser de là-bas.
Regards extérieurs, c'est ici !