Lundi 11 février 2008

 

Le tour du monde à Paris

Il fait beau. C'est le printemps en février. Le camélia rose sur le balcon est déjà en train de fleurir et dans le ciel, aucun nuage, même très clair, ne prend le goût de se perdre. Paris est sous le soleil et ses rues nous sourient, comme pour nous dire "Oublie".

Nous marchons dans ces quartiers étranges et étrangers que, pourtant, nous connaissons si bien. Il y a plus de dix ans, je découvrais Belleville avec les personnages de Pennac. Je n'avais jamais dépassé le nord de la Seine et je lisais les histoires de Malaussène comme si elles se passaient à l'autre bout du monde. Aujourd'hui, je marche dans ce quartier avec O. et je m'étonne de connaître presque bien cet endroit qui cependant n'en finit pas de se montrer insolite. Cela ne ressemble déjà plus à la première fois où il m'a emmenée là-bas. Je ne suis plus tout à fait étonnée devant les grands supermarchés chinois. Je ne me laisse plus envahir avec la même incrédulité par les bruits et les odeurs exotiques du quartier. Pourtant, à nouveau, me voilà projetée au coeur de Paris et en même temps aux frontières du monde. J'ouvre grands les yeux et je me rappelle que le monde ne s'arrête pas à la porte de chez moi.

Là, de la musique orientale s'échappe d'un petit café miteux, rempli d'hommes. Ici, une épicerie fait l'étalage de légumes aux formes inédites. Il n'y a pas de nom au-dessus des caisses en carton et je reste dans mon ignorance. Nous entrons chez un marchand de graines. Dans la petite boutique il y a d'énormes sacs de toiles remplis d'haricots, de pois, de blé ou de riz. Une petite fille aux cheveux tressés y plonge ses mains et ses bras dans un plaisir incongru, n'écoutant pas sa grande soeur qui la rappelle à l'ordre. Nous nous enfonçons dans le magasin : une fillette plus petite, traînée par sa mère trop occupée à discuter avec le vendeur, trouve la même délectation à laisser courir sous ses doigts les petites graines des grands sacs. Nous ressortons sans rien acheter. Presque à regret. Le sourire aux lèvres, j'imagine les dizaines d'enfants qui sont venus rouler leurs rêves au bout de leurs doigts en plongeant leurs petits bras dans ces grains de blé ou ces pois chiches. Ici, c'est Paris. Ici, c'est le Moyen-Orient.

Un peu plus loin, dans la rue qui monte vers les hauteurs de Belleville, un attroupement s'est créé autour d'un vieux Chinois. Nous nous penchons. Entre tous ces gens, nous apercevons dans des sacs en plastique des canards immobilisés dans leur mort. Le bec tendu vers le ciel, les pattes pétrifiées, les canards laqués se laissent admirer par les hypothétiques clients qui, en connaisseurs, négocient les prix. Ici, c'est Paris. Ici, c'est la Chine.

Plus loin encore, nous avons quitté Belleville. Nous franchissons les grilles des Buttes-Chaumont. Les pelouses sont couvertes de gens assis en tailleur, buvant le soleil à grandes gorgées. C'est quasiment l'été pour les Parisiens. Sur un banc, une collection de chiens assis sur les genoux de personnes âgées attendent paisiblement la fin d'après-midi qui, tout doucement, tombe sur le parc. A quelques mètres de là, de longues silhouettes noires discutent entre elles. Les hommes portent de grands chapeaux noirs sur le haut de leur tête, entourés par de petites nattes torsadées. Ici, c'est Paris. Ici, c'est Israël.

Nous rentrons à la maison régénérés. En une après-midi, nous avons presque fait le tour de la terre en ne marchant pourtant que quelques kilomètres. Nous avons voyagé et nous avons presque oublié. Oublié le temps qui passe, les parents qui vieillissent, les maladies et l'angoisse qui usent et creusent les abymes.

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