Septembre 2010

 

Vendredi 3 septembre 2010

Les cents jours

Aux heures creuses, je vais sur les blogs de grossesse. J’y vois des filles qui affichent avec fierté leur bidon qui grossit. Au début, il est tout plat, puis quand on clique sur quelques mois plus tard on voit un gros ballon qui arrondit le tee-shirt trop tendu. Je clique ici, là. Je lis « C’est génial, je suis enceinte ! Mon chéri est heureux ! », ou bien « Aujourd’hui, rendez-vous chez le gygy », ou encore « Ce matin, je suis allée au labo faire pipi dans le flacon ». Je pense, Moi aussi. Et puis en même temps, je me dis, Quand même, ces ventres qui se tendent sous l’œil de l’objectif et ces consultations de cabinet médical dévoilées, quelle indécence. Mais je continue de cliquer, de lire, de regarder. Une femme, puis une autre, puis encore une autre, tout se confond. La grossesse, comme une aventure universelle et collective. C’est la même chose ailleurs. C’est banal. Mais en même temps cette banalité est si rassurante que je ne peux m’empêcher de cliquer, comme pour vérifier que oui, chez moi, c’est tout pareil, oui, je rentre bien dans les cases, oui, mon expérience a déjà été vécue un million de fois. Est-ce que la grossesse serait une machine à aplanir les différences ? Il n’y a rien qui ne ressemble plus à une femme enceinte qu’une femme enceinte, et, étrangement, pour une fois, ça fait tellement du bien de ressembler à toutes les autres.

Dans le miroir, je regarde mon ventre. Au matin, au réveil. Mais oui, il est toujours là, il n’est pas parti pendant la nuit. Le soir, la brosse à dents dans la bouche, mais oui, là, quand même, cela a bien un peu gonflé, non ? Me voici aujourd’hui au centième jour de grossesse. Chiffre tout rond, comme les cent jours de Napoléon revenu de Sainte Hélène. Chiffre tout rond, pas vraiment comme mon ventre qui, dans sa conquête de la maternité, n’a pas encore tout à fait songé à s’arrondir avec franchise sous ma chemise. Je n’ose pas prendre mon ventre en photo, comme toutes ces filles des blogs. Pudeur ou volonté de ne garder mon secret que pour moi ?

Au retour de mes vacances, je choisissais une chemise ample. Devant le miroir de la salle de bain, je m’observais de profil. Pourvu que ça ne se voit pas, pourvu qu’ils ne se doutent de rien. Mais dans les couloirs du bureau, personne ne se doutait de rien et on me demandait Alors, c’était comment tes vacances ? Puis, il y a deux semaines, j’ai libéré mon secret. Ma responsable était assise devant mon bureau, me racontant ses brasses dans l’océan Atlantique et le soleil d’été sur sa peau. Elle m’a dit, Et toi ? Alors j’ai répondu, J’ai une nouvelle à vous annoncer. Je crois que mes joues se sont légèrement empourprées. Elle s’est exclamée, Félicitations, c’est une excellente nouvelle. Sa joie semblait sincère, ça m’a rassurée. Toute la semaine durant, j’ai continué à faire sortir le secret de mon ventre. On m’a dit, C’est super. On m’a dit, Bravo. On m’a dit, là bas, dans le grand bureau dans lequel je vais si rarement, Mazel tov. A chaque fois j’ai souri et j’ai répondu, Non, on ne sait pas encore si c’est un garçon ou une fille. Depuis, certains matins, devant mon armoire, j’ose mettre la marinière achetée aux soldes d’été. Sous les rayures, en regardant très attentivement, on peut apercevoir mon nombril qui pointe avec timidité et, comme le tee-shirt est long, on ne voit pas trop que le premier bouton de mon jean est ouvert.

Je pose les mains sur mon ventre et je regarde mon ambivalence. Je voudrais montrer à tout le monde le très léger arrondi de mon ventre, et exactement en même temps je voudrais ne le garder que pour moi. Je suis deux, je suis double.

Dimanche 12 septembre 2010

Belles mamans

Je suis dans un restaurant japonais de Montparnasse, entre copines rencontrées sur Internet. On parle, on parle. La conversation en vient à dévier sur le sujet des belles-mères : sur le fait d’être belle-mère, mais aussi d’avoir à gérer la belle-mère de ses enfants. Les trois copines sont belles-mères. Pourtant elles ont plus ou moins mon âge. Forcément, moi, je n’ai pas grand chose à dire sur sujet. Je ne suis pas belle-mère. Je suis « juste » maman en devenir – maman moins 4 mois et demi , future maman de sang et non pas d’alliance. Je n’ai même pas eu de belle-mère, mes parents vivant toujours ensemble. J’ai bien une belle-maman (la mère de mon mari), mais ce n’est pas au sens où l’entendent les copines de ma tablée, donc cette expérience-là est hors-sujet. Les couples divorcés et les familles recomposées, connais pas, désolée ! Les copines, compatissantes, me disent : « ah, tu verras ! » Vraiment, je verrai ? Je n’espère pas ! Leur expérience m’amuse. Elles disent : la belle-mère (l’ex-femme du mari) est toujours conne. Et pourtant, elles avouent être elles aussi une belle-mère pour les enfants de leur nouveau mari… donc retour de l’accusation de connerie ? Le paradoxe me faire sourire et je continue de les écouter parler sans rien dire.

Au milieu des rires et des anecdotes des copines de tablée, j’ai soudain l’impression d’avoir une terrible longueur de retard. J’ai longtemps attendu L’homme – le bon, celui que je voulais unique, celui que je voulais voir vieillir avec moi – et j’ai refusé tous les autres d’un revers de main – tous ceux qui n’auraient été là que pour être « essayés ». J’ai longtemps attendu l’enfant – pas parce que je n’étais pas sûre d’avoir trouvé le père, mais parce que je ne savais pas si j’étais prête à être mère. J’ai pris mon temps. J’ai attendu, voyagé, rêvé, pédalé et j’ai soupiré (d’aise, d’ennui et de dédain). Et puis j’ai tourné en rond, j’ai convoqué en duel mes angoisses et j’ai regardé, impuissante, le temps s’écouler et me laisser sur la rive. Mais j’ai continué de prendre mon temps. Avant de. Avant de sauter le pas, avant de décider, avant d’oser. Sur mon dos, je porte la coquille d’un escargot et à l’intérieur je dissimule tout mon bazar (peur, ennui, hésitations, plaisir, espoir, tout ça en vrac). Je n’avance pas vite et j’arrive souvent après les bagarres. Mais au fond de moi je ne peux m’empêcher de penser que mon pas mesuré va plus loin, que mon regard hésitant voit plus loin. La tortue finit toujours gagnante sur le lièvre.

Moi, la tortue, reste l’exception de la tablée. Je ne suis pas belle-mère et n’espère pas le devenir un jour. Tandis que les copines trinquent leur verre de vin rouge, je soulève mon verre d’eau et je pose la main sur mon ventre. Je me dis : j’espère juste devenir une maman belle. Un jour, bientôt…

 

Lundi 13 septembre 2010

Les bulles du poisson

O. pose l’oreille sur mon ventre. Il dit Il fait des bulles. Il approche sa bouche près de mon nombril et change sa voix. Toc, toc, y’a quelqu’un ? tu fais des bulles ? O. ne sait pas trop comment s’adresser au petit poisson, ni quoi lui dire. A vrai dire, c’est assez intimidant. On ne connaît pas le petit poisson, on ne sait pas à quoi il ressemble. Trois heures après, O. revient vers moi. Je suis allongée sur le canapé. Il soulève mon pantalon et colle son oreille contre mon ventre. Puis il relève la tête, déçu. Il dit Il fait encore des bulles ! Je pose les mains sur mon ventre. A gauche, à droite, sous le nombril, sur le bas-ventre. Dans la tonne de bouquins que j’ai lu (les Bien vivre votre grossesse et les Bientôt maman), il est écrit qu’à 18 semaines d’aménorrhée, l’utérus a la taille d’une noix de coco. J’imagine les tropiques et le soleil et je tape sur la coque de mon ventre. Mais rien, je n’entends rien. Pas encore. Le poisson est à l’abri derrière l’épaisse coquille de sa noix de coco et n’est pas décidé à manifester sa présence. O. soupire, mais moi je suis jalouse. Mon corps est souple, mais pas suffisamment pour que mon oreille puisse se coller sur mon ventre. Alors je ne peux même pas entendre les petites bulles. Je dis à O. T’as de la chance, toi au moins, t’entends les bulles.

Plus tard à la piscine, dans le grand bassin olympique, je me laisse flotter avant que mes bras n’entament les lents mouvements de crawl. Je pense Je suis un grand poisson dans l’eau et au-dedans de moi il y a un tout petit poisson dans l’eau. Je plonge la tête sous l’eau et je respire par la bouche. Ça fait des bulles. Comme lui, le petit poisson. Au fond, tout revient à une histoire de théorie des ensembles. Je suis contenue et je contiens.

Jeudi 16 septembre 2010

Je reviens

Le RER B tôt le matin, La Courneuve, Aubervilliers, la banlieue qui étale derrière les vitres du train les premiers arbres rougis de l'automne. J'ai du mal à croire que je pars en vacances, que bientôt je serai dans un pays où l'été se reflète dans la mer bleue.

Après plus de quatre heures de vol, l'avion laisse entrevoir par les hublots la côte libanaise. Je vois les vagues qui font onduler la mer et le littoral recouvert de grands immeubles blancs. Le Liban, enfin. 6 ans après mon premier voyage, me voici de retour ! Tant de temps a passé, et pourtant cela semblait hier. 1er septembre 2004, la date est tamponnée sur mon passeport. Je me souviens de celle que j'étais alors. J'étais la fiancée de O., c'était comme cela qu'il me présentait, la fierté dans les yeux. Je découvrais un pays, un peuple, une culture. J'étais curieuse et je voulais tout savoir. Les années qui ont suivi, j'ai pris des cours pour apprendre la langue, j'ai lu des livres pour comprendre l''histoire. Au fond, je savais que c'était un peu lui que je voulais mieux comprendre, lui, O., mon fiancé devenu mari.

16 septembre 2010, une nouvelle date tamponnée sur mon passeport, à côté d'un cèdre dessiné à l'encre rouge. Aujourd'hui, je suis devenue la femme d'O. et dans mon ventre, je porte son enfant. Le Liban n'est plus ce pays inconnu, fascinant et effrayant à la fois. Voilà près de huit ans que ce pays m'accompagne, discrètement, sans vraiment que je m'en aperçoive – des mots échangés chez les parents d'O., des habitudes culinaires, des cousins qui envoient des photos sur Facebook. Je retrouve le Liban comme je retrouverais un vieil ami que, malgré l'éloignement, je n'aurais jamais perdu de vue. A l'arrivée dans l'aéroport pourtant commun et aseptisé, mon sourire grandit sur mes lèvres. Je sais que derrière la barrière des douanes, il y aura les parents d'O. venus nous accueillir. Welcome to Lebanon !

Comme la première fois, la sortie de l'aéroport, c'est la chaleur étouffante, le soleil qui fait cligner des yeux, puis les embouteillages au milieu des quatre-quatre sur l'autostrade. Les grands immeubles sont toujours aussi laids, si laids qu'on apprécierait presque les grandes affiches publicitaires qui donnent à la ville un visage (certes commercial). La route nous fait passer par le centre-ville, magnifiquement rénové. La première fois, j'avais vu des échafaudages poussiéreux, aujourd'hui s'élèvent de beaux bâtiments ocres reconstruits à l'ancienne. Je regarde partout, dans tous les sens. Je guette la grande mosquée Hariri, celle que je n'avais vue qu'en chantier. Je ne suis pas déçue : elle apparaît soudain au détour d'une place, immense et orgueilleuse. « Ici, il y a le tombeau de Rafic Hariri », dit mon beau-père en montrant sur la gauche un grand portrait de l'homme politique assassiné. Ironie du destin : en construisant cette grande mosquée, pensait-il qu'il y serait enterré à peine quelques années plus tard ?

La route jusqu'au village semble ne pas en finir. « Là, il y a les martyrs », continue mon beau-père en montrant une affiche qui aligne le portrait des hommes politiques (tous chrétiens, sauf Hariri) assassinés ces dernières années. « Il n'y a plus que des martyrs, dans ce pays », ironise-t-il en secouant la tête.

C'est toujours l'autoroute, mais petit à petit le paysage change. Il y a des églises orthodoxes derrière les grandes affiches publicitaires, des champs de bananiers et des vendeurs à la criée sur le bord de la route. Et puis surtout, à gauche, il y a la mer Méditerranée, qui s'empourpre sous le soleil déjà couchant. Je dis à O. « cela fait longtemps qu'on n'a pas vu la Méditerranée, n'est-ce pas ? » Oui, si longtemps. Et ça fait du bien de la retrouver. Enfin.

Le pays, la mer, le soleil d'été sont les mêmes qu'avant, et pourtant si différents. Exactement comme moi.

Samedi 18 septembre 2010

Une journée de famille(s)

Je suis sur le balcon de notre chambre, sur la balancelle. J'entends la pluie qui fait glisser un fin voile blanc sur les oliviers. C'est le bruit de la pluie sur le toit qui m'a fait me lever ce matin. J'ai écarté le rideau et j'ai vu un grand soleil et un bel arc-en-ciel. O. a dit C'est la première fois que je vois de la pluie au Liban en été. Dans la cuisine, plus tard, au petit déjeuner, tandis que j'épluchais des figues, j'ai dit J'ai vu un arc-en-ciel. Mon père m'a répondu Tu as fait un vœu ? Il faut toujours faire un vœu quand on voit un arc-en-ciel, ça porte bonheur.

Nous avons retrouvé mes parents hier matin à leur hôtel à Jounié. Ils ont passé une semaine en tour organisé. Baalbeck, Anjar, Tripoli, Les Cèdres, Saïda... ils ont tout vu du Liban. Enfin presque. C'est moi qui, il y a quelques mois, leur ai proposé de prolonger leur séjour au Liban pour découvrir ce « presque » qui n'est pas dans les guides touristiques. Alors nous voilà tous dans la grande maison de ma belle-mère – les parents d'O., mes parents, mon frère, O. et moi. La maison est si vaste qu'on ne peut se gêner (chacun sa salle de bain), même s'il y a quelques gènes parfois (ma mère qui veut aider, ma belle-mère qui refuse ; mon père qui veut payer le restaurant, mon beau-père qui refuse). Nous avons loué une grosse voiture pour tenir dedans à sept.

C'est agréable de voir les gens qu'on aime réunis autour de soi. Même si depuis mon arrivée ici, un mal de tête persistant ne m'a pas quitté. Alors j'entends tout le temps Eva, va te reposer ! Comme un ordre doublement maternel. Et comme ça cogne dans ma tête, je ne résiste pas aux prescriptions familiales et je vais m'allonger sur la balancelle du balcon.

Hier, entre deux siestes, nous sommes quand même montés dans la grosse voiture. Nous sommes descendus jusqu'à un joli petit monastère orthodoxe (Deir Saydat al-Nourieh, Notre-Dame des Lumières) d'où la vue s'étend jusqu'à Tripoli. Nous avons posé tous les sept devant l'appareil photographique programmé en automatique. Photo de famille.

Plus tard, au moment du dîner, nous n'avons pas eu le courage de descendre jusqu'à la grande ville. Nous avons pris la voiture pour faire quelques mètres jusqu'à une petite échoppe vendant des sandwichs. En fait, il s'agit de pain cuit sur une grande plaque ronde (un « sage ») et agrémenté de thym ou encore de labné (sorte de fromage blanc), jambon, fromage... C'était très simple et très bon à la fois. Les gens du snack ont discuté avec ma belle-mère. Au milieu de l'imbroglio de la conversation, j'ai reconnu les mots qui me désignent : « marto » (sa femme) et « éblé » (enceinte). Des femmes m'ont regardé et m'ont souri : Mabrouk ! J'ai dit Merci et la conversation, forte et emmêlée, est repartie de plus belle. Ma mère m'a regardée en souriant, l'air de dire Où là là ça parle fort et ça fait mal à la tête ! Je n'ai pas osé dire que ce n'était rien, que j'avais déjà passé des soirées bien plus éprouvantes, seule étrangère francophone au milieu d'une tribu de femmes libanaises parlant et riant dans une langue que je connaissais pas.

Le soir en me couchant, mon mal de tête n'avait pas disparu. Mais, tandis que le sommeil tombait sur mes paupières, je me suis dit que cela avait été une belle journée. Une journée en familles. Une journée de famille.

Lundi 20 septembre 2010

Ma balancelle

Je n'ai plus mal à la tête. Mon corps, enfin, s'est habitué à ce pays : à la chaleur qui colle à la peau, aux gens qui parlent fort et dans tous les sens, au rythme nonchalant des journées qui étalent leur paresse. Ce matin, le ciel est d'un bleu parfait. Sur la ligne d'horizon, le bleu redouble – c'est la mer qui forme une ligne parfaite avec le ciel, au-dessus des toits rouges et blancs et des dattiers. Il y a un petit vent qui fait remuer le haut des arbres et adoucit l'air. Sur le balcon à la balancelle, je suis bien.

Raconter ces deux derniers jours avec la précision d'un récit de voyage serait trop long. Déjà, la chronologie se perd dans ma mémoire. Il y a eu des églises orthodoxes et la messe du dimanche où les croyants faisaient le signe de croix à l'envers (à notre envers). Il y a eu des églises maronites et des petits bébés vêtus de blanc recevant le baptême. J'ai regardé le visage des enfants, leurs yeux noirs et pétillants, leurs sourcils épais et leurs cheveux bruns mangeant leur front, et je me suis demandée si le petit dans mon ventre leur ressemblerait un petit peu. Il y a eu des tables recouvertes de beaux coloris – le blanc laiteux du labné, le vert et rouge si frais du fattouche, le jaune très clair du houmos rivalisant avec le blanc crème du moutabal. Et ma main enroulant le pain entre les doigts pour attraper une saucisse grillée. Il y a eu les cousins Aziz et Mike se faufilant avec nous dans les rues animées de Byblos by night – la musique techno hurlant dans les bars envahissant les rues et les odeurs de narguilé s'invitant sous les narines. Il y a eu Tante Wissam m'emmenant derrière une porte, me faisant soulever mon tee-shirt et déclarant de façon péremptoire « benté ! it's a girl ! ». Il y a eu les conversations sans fin sur la terrasse de la maison, entre les moustiques piquant et les olives croquantes, où les langues – le libanais, le français, l'anglais – se mêlaient dans les mêmes phrases. Il y a eu mes parents un peu perdus face à ces habitudes de vie si différentes. Il y a les grands cèdres étalant leur ombre sous leurs branches immenses et Aziz racontant en anglais une vieille légende retrouvée sur une plaquette dans un palais d'Irak. Il y a eu le petit chat gris venant le soir se frotter entre mes jambes et Tante Wissam criant dès qu'elle l'apercevait. Il y a eu Oncle Philippe me montrant avec fierté les livres d'histoire qu'il a écrit, les ayant amenés exprès pour moi car il sait que mon travail en France c'est, comme lui, faire des livres pour les élèves.

Il y a eu aussi tout ça et tout le reste que j'oublie de raconter. Je me laisse balancer sur le grand fauteuil à bascule du balcon. Le remous de la balancelle me rend pourtant un peu malade. Face à moi, la mer, parfaite, paraît veiller sur moi. Je ferme les yeux et je laisse dans ma mémoire les images et les parfums se mêler doucement. La main posée sur mon ventre, je me dis que la prochaine fois que je viendrai il y aura peut-être assis à côté de moi sur la balancelle du balcon un petit garçon ou une petite fille aux boucles brunes.

Mardi 21 septembre 2010

Les fantômes

Dans le grand quatre-quatre noir d'Oncle Philippe, je dis que depuis que nous sommes arrivés ici je n'ai vu quasiment aucun musulman. Pourtant, le Liban est un pays à plus de 60 % musulmans (mais depuis la guerre, il n'y a plus de statistiques officielles dans ce pays). Depuis quatre jours, nous n'avons fréquenté que la côte nord, à dominante orthodoxe, la montagne maronite et Achrafieh, le quartier chrétien de Beyrouth, en forme de colline. Mais je suis la seule à m'étonner de cet état de fait.

Le quatre-quatre noir continue de se faufiler entre les voitures embouteillées – Mercedes cabossées, mini-van remplis de travailleurs, luxueuses décapotables – qui, chacune, sans aucun scrupule, fait fi des règles élémentaires de conduite (clignotants et priorité à droite). Oncle Philippe me répond en riant que là où on va dîner ce soir, il y en a plein des « fantômes ». Les « fantômes », c'est comme cela que les gens nomment ici les longs voiles noirs qui cachent des femmes. Ce sont le plus souvent des étrangères, des femmes d'hommes d'affaires venus du Golfe qui ont élu domicile au Liban et qui en fréquentent les lieux les plus luxueux. Quand ils parlent des « fantômes », il y a sur les lèvres des gens de ma famille un petit sourire ironique. Moquerie ou mépris devant cette inquiétante étrangeté qui consiste à envelopper des femmes dans des draps noirs et à leur permettre de ne montrer que leurs regards ? Aziz, un des cousins d'O., les appellent des « pingouins » ou des « ninjas ». L'autre ne se désigne donc que par des images soit ridicules soit inquiétantes ?

Nous arrivons à l'ABC, grand centre commercial de Beyrouth. Nous ne sommes pas dépaysés, il n'y a que des marques occidentales dans les luxueuses boutiques. Je passe devant la vitrine de « Tartine et chocolat ». Il y a une adorable robe rose de bébé, à volants. Les prix sont plus chers qu'à Paris. Soudain, Oncle Philippe s'approche de moi. « N'aie pas peur, Eva ! » Derrière moi, il y a une femme fantôme qui passe devant une boutique de vêtements féminins. La silhouette paraît géante sous son drap noir. Sous le voile qui encadre son visage, autour du front et au-dessus de son nez, elle a calé difficilement ses lunettes. Celles-ci recouvrent tout juste le mince espace de peau qui dépasse du tissu. Je détourne le regard. Je ne veux pas dévisager cette femme sans visage. O. demande « Mais comment font-elles pour manger ? »

Au retour, dans la voiture, on me dit « Voilà, Eva, tu es contente, tu as vu des fantômes aujourd'hui ! » Je ne dis rien. J'ai appris à me taire sur certains sujets, à ne pas exprimer directement les opinions que j'ai ramenées de France et qui, ici, n'ont à vrai dire aucun sens. Lorsque j'entends les miens dire « Ce sont les musulmans qui viennent ici pour salir nos champs d'oliviers », je me dis que cette accusation franche paraît gratuite, mais je n'en dis rien. Une tante d'O. nous explique : « Ici, dans cette région (chrétienne), je suis plus tranquille car les musulmans sont loin ; à Achrafieh, il n'y avait qu'une rue qui nous séparaient d'eux, ici on n'est rien qu'entre nous ». Une autre tante nous raconte une histoire qui est arrivée à son frère avec un Druze. Tout le monde s'exclame « Oh, un Druze ! » et j'entends « Il faut se méfier toujours des Druzes, ils sont méchants ! »

Dans mon silence, je me dis que la guerre n'est pas loin, là tapie dans les maisons hospitalières qui invitent le voisin d'en face, mais pas le voisin du quartier d'à côté. L'autre est là, tout près, chauffeur de taxi ou vendeur de pastèques, mais on ne parle pas vraiment avec lui. On vit à côté de lui, pas avec lui. Chacun sa confession, chacun son clan. La juxtaposition n'est pas mélange.

Dans le quartier d'à côté, j'imagine les familles chiites racontant des histoires de chrétiens et déclarant aux enfants « Ils ne sont pas comme vous, méfiez-vous ». J'imagine seulement, je ne sais pas en fait. Car personne ne pense à me présenter ces gens de « l'autre côté ».

Vendredi 24 septembre 2010

La gare abandonnée

Deux jours à Beyrouth. Deux jours sans les parents (les miens sont repartis à Paris, ceux d'O. restent au village). Deux jours sans les longs trajets embouteillés en voiture pour rendre visite à la famille. Deux jours aussi dans l'atmosphère lourde et humide de la capitale, chargée d'odeurs de gaz d'échappement et envahie par les bruits des klaxons.

Beyrouth paraît immense. La ville est une juxtaposition désordonnée d'immeubles à l'architecture anarchique. Belles demeures de l'époque du mandat français aux façades criblées de balles, grands immeubles gris où pendent des stores défraîchis, hautes tours de verre à peine sorties du sol, vaste terrain vague de terre battue où attendent des ouvriers au pied de grues. Il y en a dans tous les sens. Tout se mélange avec tout sans se soucier d'atteindre un quelconque équilibre. Ici, les bâtiments sont à l'image de leurs habitants. Beyrouth est la ville du grand désordre organisé. Rien ne semble réfléchi, projeté, et chacun avance droit sans regarder autour de soi. Et pourtant, au final, tout fonctionne à peu près bien – dans cet à peu près qui satisfait tout le monde et qui ne fait pas recherché le mieux. Le pays ressemble à sa capitale, et sa capitale ressemble à ses habitants au volant des voitures : dans leur Mercedes cabossées ou dans leur jeep, chaque conducteur veut avancer plus vite que les autres, sans se soucier de respecter la priorité. Les carrefours sont des imbroglios de véhicules. Et pourtant, l'embouteillage géant finit par se résorber et chacun parvient à avancer malgré tout, sans même causer d'accident.

À Beyrouth, nous avons notre refuge, en haut de la colline d'Achrafieh, loin de toute cette agitation fiévreuse. C'est l'appartement de Tante Thérèse, qui habite avec son frère aîné, Oncle Salim, dans le logement familial des grands-parents paternels d'O. « Bienvenue ! » s'exclame Tante Thérèse, dans un français parfait qui roule les « r ». Tante Thérèse semble aussi ravie de nous accueillir que nous sommes contents de la retrouver, six ans après notre première visite à Beyrouth.  Elle n'a pas changé, malgré le passage des ans. Assise sur un des grands canapés bleus, elle raconte. « Tous les jours, je prie pour chacun des miens –  mes frères, mes neveux, mes nièces et leurs enfants. Chaque jour, je priais pour O. et Eva, mais un matin de juin, je ne sais pas pourquoi, c'était comme une vision, je me suis dit qu'il fallait ajouter quelqu'un dans ma prière et avoir une pensée pour Eva et sa famille. » O. sourit. Oui, en effet, c'est en juin qu'on a su qu'un petit poisson s'était niché dans notre vie. Était-ce donc un signe divin ?

Assis sur son fauteuil surélevé, la télécommande de la télévision à portée de main, Oncle Salim ne regarde pas le téléviseur et préfère nous parler. Il a tant d'histoires à raconter. Il conte son voyage à Paris en 1951 et la première fois qu'il a pris le train pour aller à Marseille. Il raconte un autre voyage à Paris, à la fin des années 1970. O. était tout petit et n'arrêtait pas de crier. Oncle Salim avait acheté une voiture Place d'Italie et était revenu avec au Liban, traversant l'Europe en passant par la Yougoslavie et la Turquie. De son portefeuille, il tire une vieille photo en noir et blanc : vous reconnaissez qui c'est ? nous demande-t-il avec malice. Oncle Salim nous parle aussi de saint Charbel. Mais il nous parle surtout du Venezuela, le pays dans lequel il a vécu pendant plus de quarante ans et qui reste gravé au fond de son cœur. Parfois, il ne trouve pas le mot français qu'il cherche, alors il le dit en espagnol. D'autres fois, il s'amuse à traduire les mots de la conversation en italien. Il dit qu'un homme qui parle plusieurs hommes est plusieurs hommes à la fois et il ajoute que lui-même il parle le libanais, l'arabe, le français, l'espagnol et un peu l'italien et le syriaque. Il regarde O. et lui demande d'un air un peu réprobateur : « Pourquoi tu ne veux pas parler  libanais alors que tu le comprends si bien ? »

C'est le matin, mais il fait déjà chaud dans l'appartement. L'électricité a été coupée à 9 heures, il faudra descendre les cinq étages à pied au lieu de prendre l'ascenseur. O. demande à Oncle Salim : « Comment fait-on pour aller à la gare ? » La gare ? Oncle Salim lève les sourcils. Voilà longtemps que plus aucun train ne fonctionne au Liban. Quelle idée d'aller visiter une gare abandonnée ! Nous insistons malgré tout. Comment dit-on « gare » en libanais ? J'inscris le mot (mhatta) sur un petit papier et nous déplions le plan de Beyrouth. Ce n'est pas si facile de se repérer parce que toutes les rues n'ont pas de noms et, quand elles en ont, elles en portent parfois plusieurs. Plus tard, dans le quartier de Mar Mickaël, nous voici à l'endroit indiqué par le guide. Rien n'indique l'emplacement d'une ancienne gare. O. interroge un monsieur. Celui-ci ne comprend pas ce qu'on cherche. Enfin, une dame nous renseigne. Il faut aller au centre de bus et demander aux gens du bureau à voir les vieux trains. En effet, dans un bureau excentré, des hommes fument des cigarettes en buvant du café. Oui, c'est ici que se trouvait la gare, nous explique l'un d'eux en libanais. Les premiers trains dataient de la fin du XIXe siècle. Il y avait deux lignes, l'une de Beyrouth à Damas traversant le pays dans sa largeur, et l'autre longeant la côte depuis la Syrie jusqu'à la Palestine. « J'espère qu'un jour les trains fonctionneront à nouveau », dit O. Un des deux hommes soupire avec pessimisme. Reconstruire une gare abandonnée semble un projet bien lointain dans ce pays en perpétuelles destruction et reconstruction.   La gare de Beyrouth est devenue aujourd'hui un vaste jardin, vrai havre de paix dans la tourmente de la ville. Entre les rails poussent de hautes herbes. Une locomotive à vapeur d'un autre âge, un wagon criblé d'impacts de balles (les trains servaient de barricades pendant la guerre), une colonne à refroidissement... À travers les ruines, j'essaie d'imaginer l'agitation de la gare ferroviaire il y a un demi-siècle – cela paraît si lointain, presque impossible. À quoi pouvait bien ressembler Beyrouth dans les années 1960 ou 1970 avant que la ville toute entière ne devienne un vaste champ de bataille ?

Le soir, nous montrons à Salim et à Thérèse les photos de notre journée de touristes à Beyrouth : le musée national, Raouché et la corniche, le quartier Hamra... Lorsque les photos de la vieille gare défilent sur l'écran, Oncle Salim regarde, fasciné. « Nous habitons à côté, et jamais nous n'avons été là bas ! » dit-il à sa sœur. Peut-être qu'au fond l'aventure se trouve parfois au bout de la rue...

Le lendemain, lorsque nous disons au-revoir à Oncle Salim, j'ai le cœur gros. Je regarde une dernière fois le vieil homme, aminci dans son débardeur blanc et pourtant l'œil si vif et si jeune, et en prenant les escaliers je fais le vœu secret auprès de saint Charbel et tous les autres saints s'ils existent de retrouver Oncle Salim lors de mon prochain voyage à Beyrouth.

Samedi 25 septembre 2010

Dans les montagnes du Chouf

Excursion dans le Chouf avec les parents d'O. Dans la petite voiture, tout le monde se dispute. Le père et la mère sur le chemin à prendre, le père et le fils sur la façon de conduire. Un automobiliste nous fait une queue de poisson. « Hmâr ! » (âne) injurie mon beau-père en faisant un mauvais geste du doigt. O. se scandalise : « Tu es fou, Baba ! Ici, les gens ont des pistolets ! Il ne faut pas les provoquer comme ça ! Tu penses pouvoir les éduquer et leur apprendre à conduire ? Les dix-sept Dieux des dix-sept communautés n'ont réussi à rien avec eux, alors ce n'est pas toi qui vas leur apprendre quoi que ce soit ! »

Enfin, nous quittons la banlieue de Beyrouth et la large route encombrée qui mène de l'autre côté du Mont Liban. Nous empruntons une petite route de montagne, parfaitement bitumée. « Ici, dans le Sud, ils ont de belles routes. C'est grâce à Walid Joumblatt. Nous, dans le Nord, nos routes sont pourries ! », constate mon beau-père.

Le paysage change. C'est la montagne. Mais pas tout à fait la même que celle du Nord, au-dessus des gorges de la Kadisha. Ici, tout est magnifiquement vert. La nature est généreuse, invite à la découverte. De petits villages sont accrochés aux montagnes couvertes de pins. On a un peu l'impression d'être dans le sud de la France. La voiture traverse les villages. « Ici, tous sont maronites ! » explique mon beau-père. « Ici, tous sont druzes ! » s'exclame-t-il, dans le village d'à côté qui paraît pourtant ressembler au hameau que l'on a traversé précédemment.

Enfin, nous arrivons au village natal du père d'O. Nous laissons la voiture. Ici, elle ne monte pas dans les minuscules rues tout en escaliers. Les maisons de pierre sont imbriquées les unes dans les autres. « Avant, on sautait de toit en toit pour échapper aux druzes », me raconte O. Tout le village a été pillé, détruit pendant la guerre, m'explique-t-on. Les photos des voyages d'Oncle Salim, les livres de Baba, les affaires de Geddo (grand-père), tout a été brûlé par les druzes. Chaque cinquante ans, les druzes et les maronites se font la guerre, me raconte ma belle-mère en secouant la tête avec tristesse. En 1860, il y a eu ici du sang, des têtes coupées, tant d'horreurs...

Nous nous promenons dans le village, presque désert. La vie y paraît paisible aujourd'hui. Les animosités d'antan semblent si loin. Chaque fois que nous croisons quelqu'un, le père d'O. demande « chou esmak ? » (comment t'appelles-tu ?) L'homme dit son nom, puis ouvre les bras. C'est un ancien camarade de classe ou bien un très lointain cousin. « Tfadal ! » (entrez) nous accueille-t-il en ouvrant la porte de sa maison et en nous offrant une tasse de café ou une pomme. « Tu en auras vu des intérieurs libanais aujourd'hui », sourit O.

Nous reprenons la voiture. « On vend du miel ici ! », constate O. en apercevant des ruches sur le bord de la route. Nous nous arrêtons, interrogeons un vieil homme. Il porte une sorte de bonnet blanc et un pantalon noir qui descend bien au-dessous de l'entrecuisse : c'est la tenue traditionnelle des druzes. L'homme a les yeux très clairs et n'a plus beaucoup de dents. O. l'appelle « estez » (maître). Un peu plus loin, mes beaux-parents sont entrés chez l'agriculteur. Ils sont dans son atelier et discutent avec affabilité. L'homme porte le même habit druze. Il est plus jeune et a un gros ventre. La conversation est badine. On plaisante, on sourit. L'homme tend les pots de miel que mes beaux-parents viennent d'acheter, puis demande notre nom. Mais à l'écoute du nom de famille, le visage du paysan se ferme soudain. Plus de sourire, plus de blague. On croirait presque que l'homme va nous mettre à la porte. Plus tard, attablés au restaurant, nous parlons tous les quatre du marchand de miel. « Voilà plus de quarante ans que je ne vis plus ici, dit mon beau-père, ce n'est pas après moi qu'il en a. Cela a dû être un de mes frères qui lui a cherché querelle ! » Puis il ajoute : « Lorsque j'étais enfant, mes meilleurs amis étaient druzes. On s'entendait bien alors... » Ses paroles se perdent dans le silence. Je plonge le nez dans mon assiette, attrape un morceau de labné enroulé dans du pain. Où était l'homme au miel il y a trente ans ? Que faisait-il pendant que tant de druzes et de chrétiens s'égorgeaient et brûlaient des maisons ? Un frisson me parcourt le dos. Tous ces hommes de 50 ou 60 ans que l'on croise au quotidien – chauffeurs de taxi, vendeurs d'olives, garagistes... – il faut bien qu'ils aient été quelque part pendant la guerre. Combien d'entre eux appartenaient à des milices de l'un ou l'autre camp ? Combien ont lancé ces balles qu'on trouve gravées dans les murs de Beyrouth ? Combien ont tué ? La guerre est terminée depuis longtemps. Mais elle existe encore forcément dans les mémoires...

Dimanche 26 septembre 2010

Je reviendrai

L'avion survole la côte allongée de l'île de Chypre. Le ciel est d'un bleu parfait. Ce matin, au petit jour, j'ai entendu pour la dernière fois le chant de l'appel à la prière qui s'élève au lointain depuis la nouvelle mosquée construite en face du village. Ce matin, dans la cuisine, le regard encore embrouillé de sommeil, j'ai épluché ma dernière figue, trempé le dernier « kake » dans ma tasse de thé et entendu par la fenêtre le chant du coq. Lorsque j'ai claqué la porte de la voiture, j'avais une larme accrochée au coin de l'œil. J'ai essayé de toutes mes forces de la retenir et elle s'est coincée au fond de ma gorge. Ma belle-mère a dit La prochaine fois que vous viendrez, il y aura le petit bébé. Elle a ajouté qu'il faudrait penser à clôturer le jardin en terrasse d'un grillage, pour que ce soit moins dangereux. Moi j'ai pensé qu'il faudrait se procurer un siège-bébé pour la voiture, car pas question sinon d'affronter la folle circulation de ce pays. La larme coincée sous ma paupière s'est faufilée dans mes narines et j'ai sorti discrètement un mouchoir en papier. Je me suis dit que je m'en voulais d'être si émotive.

L'avion survole maintenant les montagnes de la Turquie. Le ciel est toujours aussi bleu. Je n'aime pas la nostalgie, je n'aime pas les regrets. Du Liban, « pays du lait et du miel », je veux garder une promesse écrite dans ce temps qui n'existe pas en arabe : le futur. Une promesse en forme de résolution : je reviendrai. Inch' Allah.

 

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