30 mars 2000

Ce midi, au lycée, il y avait une prof qui fêtait son départ en retraite. "Fêter", c'est vraiment le mot, car elle avait vraiment fait les choses en grand, en multipliant les petits fours, les canapés au pâté et les bouteilles de champagne. A vrai dire, je ne connaissais à peu près pas cette dame. Mais comme c'était l'heure du déjeuner et que j'avais très faim, j'ai joué allègrement les pique-assiette. Tu connais la technique ? Tu fais semblant d'être absorbé dans une intense conversation, mais en fait tu restes bien en éveil pour te glisser tout près du buffet et subtiliser en douce de ta main gauche cachée derrière ton dos un petit gâteau ou une rondelle de saucisson...

Ce n'est pas de ces basses manoeuvres gastronomiques dont je veux parler, mais de la dame dont les petits fours étaient au centre de l'intérêt. Elle avait dû passer des heures à tout préparer et se donner énormément de mal. D'ailleurs assez tôt dans la matinée, j'avais remarqué déjà l'embouteillage de boîtes conservatrices et de caisses de champagne qu'elle créait dans un coin de la salle des profs. Elle n'a pas vraiment fait de discours d'adieu - juste dit quelques mots de remerciement en recevant ses cadeaux. Ce qui m'a frappé, c'est qu'elle avait l'air... heureuse. Elle avait un large sourire aux lèvres et ne révélait sur son visage pas une trace de tristesse ou de regret.

Si ça m'a frappé, c'est que je me suis inconsciemment projetée en elle et je me suis imaginé à sa place. A sa place, j'aurai été... effondrée. Je ne sais pas pourquoi, l'idée de retraite me fait particulièrement déprimer. Lorsque mes parents ont été en retraite, j'ai été comme profondément choquée et troublée. D'ailleurs, je ne suis pas sûre de m'être faite à l'idée encore. Je n'arrive pas à voir la retraite comme un début, mais plutôt comme une fin. Et une fin de non retour. Pourquoi cette dame était-elle heureuse ? Elle fêtait pourtant là l'entrée dans l'ultime période de sa vie - si longue soit celle-ci d'ailleurs.

J'ai toujours eu un douloureux sentiment du temps qui passe. A chaque anniversaire j'ai envie de pleurer. D'ailleurs, à peu près un mois avant le mien, j'entre en petite dépression. Je compte moins les années qui s'accumulent que celles qui sont perdues et qui apparaissent en moins dans le compte des années qui s'étendent avant la fin.

J'ai peur du temps qui passe. Qui passe malgré moi. Et qui passera sans moi.

Eva.

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