5 mai 2000

Je ne m'en suis pas aperçu aussitôt. Je devais avoir la tête ailleurs comme d'habitude. Pourtant il était là lorsque je suis sortie de chez moi ce matin pour aller prendre le bus. J'aurais dû m'apercevoir en arrivant au lycée qu'il m'avait suivi lorsque je suis passée entre tous ces Poulpes se laissant flotter à la surface verte de la pelouse. Plus encore j'aurais dû douter qu'il était présent dans ma classe lorsque je faisais cours et que c'était lui qui me faisait haleter et me jeter sur ma bouteille d'eau toutes les dix minutes.

J'aurais dû comprendre qu'il jouait déjà avec tous ceux qui étaient réunis chez lui et qu'il voulait jouer avec moi aussi. Mais j'avais la tête ailleurs...

Quand enfin ma tête est retombée entre mes deux épaules et que mes yeux ont commencé à regarder au lieu de se contenter de voir passer les images devant eux, je l'ai soudain aperçu. D'un coup, je l'ai vu devant moi - si près, si pesant, si présent, et en même temps si lointain. Il était là, resplendissant, me chatouillant le dessus de la tête avec la pointe de ses doigts dorés. Sa chaleur m'a enveloppée toute entière. C'était une chaleur familière qui rappelait toutes les étreintes estivales passées. Et en même temps, ses caresses étaient violentes, tant elles étaient soudaines et imprévues, s'acharnant sur les corps comme après une trop douloureuse absence.

Il était là. Il était revenu.

Lorsque je suis rentrée chez moi, je me suis déshabillée en jetant au fond d'un placard tous mes vêtements épais et sombres, et en fouillant longtemps derrière les pulls à col roulé et les chaussettes de laine, j'ai fini par retrouver une petite robe légère oubliée lorsqu'il était parti il y a quelques mois. Je me suis glissée dans le tissu fleuri et je me suis mise à parader dans les rues en me promenant à ses côtés. A parader rien que pour lui plaire. Pour lui montrer combien à moi il me plaisait.

A l'heure où j'écris, il est déjà parti. Mais je sais que son départ n'est pas définitif cette fois-ci et que son absence ne durera maintenant que le temps d'une nuit. Il reviendra dans quelques heures. Il se lèvera tôt et apportera avec lui l'aurore. Et il viendra tendrement me réveiller en se glissant à travers la fenêtre.

Il est là. Il est revenu... Le soleil est de retour.

Eva.

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