20 mai 2000

Hier matin, j'avais décidé de faire la grasse-matinée. Pour une fois tous mes cours étaient prêts, et je n'avais pas à les préparer en vitesse, dans la précipitation et l'angoisse, avant d'aller au lycée. Vers dix heures, j'émerge doucement. Ma petite Hannah était tranquillement assise au bout de mon lit, attendant tranquillement en somnelant que je me réveille. Je l'appelle : "Haaaaaaa...". Rien ne sort de ma gorge qu'un terrifiant son rauque. Je fais une nouvelle tentative : Hannah, cette fois-ci bien réveillée, regarde, affolée, le monstre qui s'est glissé dans la nuit dans les draps de sa maîtresse et qui fait des bruits si étranges avec sa voix. Ma troisième tentative pour faire revenir mes cordes vocales est pire que les deux autres. Le son qui parvient péniblement à se glisser entre mes lèvres est si effrayant que le chaton saute du lit précipitamment et va se cacher sous un meuble.

J'étais bien embêtée. J'avais cours deux heures après. J'ai essayé de faire travailler cette voix qui s'était assoupie au fond de mes organes. Je récitais des vers de Rimbaud : "Comme je descendais des fleuves impassibles...". Mais je les descendais effectivement ces fleuves, m'y noyant même effroyablement.

Je suis venue quand même au lycée, espérant jusqu'à la dernière minute récupérer ma voix éraillée. Tout le monde compatissait en riant : "tu t'es mise au blues maintenant ?". Evidemment, ma voix n'est pas revenue. Mes élèves ont explosé de joie lorsque je leur ai dit que je ne faisais pas cours, puis m'ont maudite quand j'ai annoncé que les heures seraient remplacées.

"Ce sont les risques du métier", m'a-t-on dit. Oui, encore un risque de plus...

Eva.

Précédente Suivante
Ecrire à Hannah...

Ecrire à Eva...Ecrire à Fred...