13 juillet 2000

Cher Peuple de l'ombre,

Vous n'êtes pas une dizaine à venir chaque jour marcher près de mes frontières et c'est par présomption que je vous nomme "peuple", juste pour garder un petit peu l'illusion d'être écouté de mon lectorat muet et invisible. J'ai l'habitude de parler dans le vide (c'est mon métier), d'entendre l'écho de ma voix qui résonne sur les parois du journal que je me suis créé. J'ai endormi mon co-écriveur, et sans doute aussi une bonne poignée de lecteurs.

Peut-être que vous dormiez seulement pour mieux vous réveiller et avoir l'oreille plus alerte une fois que cela deviendrait plus intéressant. Si c'est le cas, pardon de vous brusquer, mais vous pouvez vous rendormir. Ce n'est pas encore temps de devenir "intéressant". Ce sera même si peu intéressant les jours à venir que ce ne seront plus vous seulement qui serez sans voix, mais moi aussi... Je m'en vais essayer l'écho de ma voix sur d'autres parois - celles plus réelles des montagnes alpines. Si je crie bien fort, on m'entendra peut-être enfin là bas.

La canne de mon grand-père est déjà fixée à mon sac à dos rouge. J'ai rajouté aussi quelques pulls, car il paraît qu'il neige à 1500 mètres dans les Alpes, et vu que je dors à la belle étoile quelques mètres au-dessous, je n'ai pas envie de vous revenir trop rapidement avec une angine. Je laisse ma panthère noire hannaïenne à la maison et je m'en vais. Là haut, j'espère que le ciel est plus bleu...

Au revoir, Fred. Prends soin de ce qui reste de notre journal pendant mes vacances...

Eva.

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