25 mai 1999

Notre rencontre

(ma version)

Voilà un mois que "ma" page web est ouverte, potentiellement offerte à des millions de gens (mais réellement lue encore par aucun), voilà un mois qu'il annonce ma venue au monde entier à tel point que si nous avions effectivement déjà des lecteurs ils pourraient prendre le mystère qu'entoure mon éclatante arrivée comme celui d'un Messie... ou d'un martien (je ne me prononce pas sur les convictions scientifico-religieuses de ces lecteurs qui n'existent pas encore). Mais il y a une raison à mon silence : il y a une semaine, je ne savais pas qu'il me ferait "ça", je ne me doutais pas que cette idée de journal était plus qu'un projet lancé en l'air, comme ça, pour rigoler. Je ne savais pas que j'allais être embarquée dans cette histoire dont je n'arrive pas à imaginer où elle va me mener... où elle va nous mener. Aventure à deux, folie à deux, défi à deux - sans même que nous sachions bien lequel des deux défie l'autre.
Voilà : moi, partie féminine de cette histoire, seconde moitié du journal, avec ma couleur et mes mots, et tant qu'à faire avec en plus mes rêves et mon imagination, je prends enfin la parole. Je lui ai dit : "racontons notre rencontre". Il l'a fait. A moi maintenant de la raconter - de raconter mon côté de l'histoire, de dire ce qui s'est passé du côté des 15'' de mon moniteur...
Cela a commencé par hasard. Mais toute les histoires commencent par hasard me direz-vous. C'est toujours fortuit et imprévu : c'est la définition même de la rencontre. Enfin, il y a certaines rencontres que l'on cherche plus ou moins à provoquer, que l'on attend ou que l'on espère. Dans ces cas là, on va dans les lieux adéquats dits "lieux à rencontre" - dans la vie réelle, c'est un bar par exemple, dans la vie virtuelle, c'est ICQ ou IRC. Mais dans notre cas, rien de tout cela. Je n'avais pas prévu ce soir là, ni tous les autres soirs à venir, de rencontrer quelqu'un, ni réellement, ni virtuellement. J'avais d'autres projets bien réels, bien concrets, bien sérieux, qui m'attendaient. Mais voilà, ça ne s'est pas passé comme je l'avais prévu. Monsieur Hasard m'a fait rencontrer son chemin. Et son chemin a croisé le mien, ou le mien le sien, un soir de début de printemps. Juste parce que nous étions tous deux inscrits à la même liste de diffusion. Juste parce que nous avons tous deux de sérieuses tendances à jouer les noctambules du net. Et un message de lui est arrivé dans mon P.C.. Et un message de moi est arrivé dans le sien. Et ça a continué, avec toujours plus de mails boulimiques qui à chaque fois prenaient quelques kilo(octets) de plus. Voilà, ça a commencé comme ça... sans en avoir l'air. Sans qu'on comprenne que c'était un commencement. Sans qu'on comprenne toujours qu'est-ce qui a commencé ce jour là.
Nous ne savons pas ce qui a commencé, mais nous savons qu'aujourd'hui nous commençons notre journal. Nous nous sommes dit (enfin c'est moi qui me le suis dit, mais, cher être virtuel, ne t'ai-je pas entendu te dire la même chose, de l'autre côté de l'écran ?)... je me suis dit, donc, que puisque Internet nous avait fait vivre quelque chose de magique et de fou tout à la fois, il fallait bien aller jusqu'au bout de cette magie et de cette folie, juste pour voir d'ailleurs si elles avaient un bout. Et puis pourquoi ne pas aussi partager cette magie virtuelle avec d'autres ?
Voilà, ça a commencé comme ça. Par hasard. Le hasard du web qui fait se rencontrer des êtres qui n'étaient pas destinés à se rencontrer. Je dirais même : la malice du web qui fait inventer des concepts scientifiquement insoutenables. Car comprenez bien que notre rencontre n'en est pas une au sens vrai : c'est une rencontre virtuelle. Et qu'est-ce qu'une rencontre virtuelle sinon un gros barbarisme qui méprise toute logique ? Car une rencontre a forcément un sens physique : c'est le choc de deux corps. Or s'il y a bien eu choc dans notre cas, il n'y a jamais eu de corps. Nous n'existons l'un pour l'autre que comme de purs esprits. Nous habitons la même ville, et seul un fleuve nous sépare. Nous connaissons nos noms et adresses réciproques. Mais nous ignorons à quoi peut bien ressembler l'autre. Nous n'avons même pas échangé nos photos.
Voilà comment le hasard nous a rendu fous. La première folie a été de dire "nous" pour désigner une relation entre deux êtres qui n'existent que virtuellement l'un pour l'autre, c'est-à-dire qui sont présents l'un à l'autre sans matière, sans regard et sans voix. La seconde folie est d'écrire ensemble le journal de nos vies si différentes. La troisième folie est à venir : ce sera d'aller jusqu'au bout de notre projet et de durer dans le temps.
Ca y est, cher être virtuel : j'ai écrit ma part. J'ai rempli mon côté de la page. Ca te va ? Est-ce que j'ai bien raconté ?


Pourquoi est-ce que tu me poses la question à moi, tu sais bien , tu sens bien ce que je vais te répondre, je te l'ai dit il y a quelques jours à peine...

Aie, aie, aie... comment, je vais me sortir de ce problème, moi... c'est drôle, tout à coup, je réalise qu'avec toi, c'est devenu facile comme tout d'écrire, et lorsque tu me mets face à la feuille blanche pour écrire pour quelqu(es) un(s) d'autre(s), c'est le stress...

Bon, j'ai eu (je me suis octroyé) le privilège de raconter le premier, heureusement !!! Elle parle bien, non ? et le plus fou, comme elle l'a dit, c'est que je n'ai jamais entendu le son de sa voix...
Comme des tas d'autres inconnus, nous découvrons tous les jours la magie du net. Elle prend pour chacun un visage particulier, pour nous deux, elle s'est inventé , elle nous a inventé une facette qu'on espère inédite, celle que l'on veut vous montrer... en tatonnant comme ce doit être le cas dans toutes ces histoires que l'on construit jour après jour.

C'est pas magique tout ça ???

Bon, juste une question : tu l'aimes bien ce vert, toi ? sinon, tu sais qu'en demandant gentiment ;-))... on se le change en orange, en fushia ou en rose bonbon !!!

P.S. : Ce soir, c'est toi qui m'a surpris avec cette arrivée en fanfare ! Sans celle-ci, j'aurais eu envie de citer des poèmes aquatiques... on peut faire ça demain ?

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