17 juin 1999

Bonsoir !

Aucun de nous n'a écrit hier soir. Nous étions trop fatigués. Enfin moi j'étais fatiguée. Toi, tu m'as dit que tu menais une "vie trépidante" en ce moment. J'ignore ce que tu fais pour que ça trépide autant dans ton monde réel. J'aime bien les vies trépidantes, moi. Et en ce moment ma vie à moi n'est pas trépidante du tout. Quoi que... Je regarde la définition du dictionnaire (ça faisait longtemps que je ne l'avais pas ouvert celui là !) :

Trépider : être agité par de petites secousses rapides.

Donc "quoi que", disais-je, car il m'arrive en effet dans la journée d'avoir de rares instants d'agitation qui me secouent rapidement. Ce sont des moments très fugaces qu'il faut saisir au vol pour espérer les repérer. Mais la plupart du temps (23h30 sur 24), ça ne trépide pas du tout. En fait, je vis au règne de la lenteur. Connais-tu ce royaume ? Le royaume des paresseux et des convalescents (trouve dans quelle catégorie je suis). Les habitants de ce pays là vivent à peu près comme ceux de ton monde à toi (le réel qui est trépidant j'entends), sauf qu'ils font tout deux ou trois fois moins vite. Le principe est de faire durer le temps pour que ce soit le matin, et hop, en se retournant déjà le soir. Il s'agit de prendre son temps, de traîner, d'ignorer qu'il existe des pendules et des montres.

Veux-tu que je te donne un exemple ? Prenons au hasard un bout de mon après-midi, car sache que moi-même suis devenue l'emblème vivante de ce royaume - que dis-je le membre d'honneur. Voilà : après le déjeuner qui m'a pris une bonne heure et demie (et pourtant je n'ai fait que réchauffer une pizza au micro-onde - alors que sur la boîte s'est bien indiqué que c'est vivement déconseillé), j'ai réparé mes lunettes de piscine - ce qui m'a bien retenue trente minutes -, me suis mis du vernis à ongle sur mes vingt ongles - 35 min de passé -, arrosé les plantes - 30 min perdues (ou gagnées, c'est selon), regardé bien en face Friedrich II pour voir s'il clignait des yeux, tout en sachant qu'il ne le ferait pas puisqu'un poisson n'a pas de paupières - 45 min d'écoulé. Ensuite, "on" est venu me rendre visite, et j'ai donc continué sur ma lancée, en entraînant les autres, pour leur prouver qu'ils avaient eux aussi leur place dans mon royaume. En théorie, on a préparé nos vacances, mais, vu notre rythme et notre ardeur, au bout de quatre heures, on est arrivé à cette seule conclusion qu'il fallait téléphoner à un des bleds où on va aller pour savoir s'il y avait des bus qui mènent à un autre bled où on va aller aussi... mais il était trop tard pour le faire, car il existe des gens sur cette terre qui sont payés pour faire des choses constructives au moins huit heures par jour et qui, une fois ce labeur effectué, rentrent chez eux, histoire de trépider tout seul ou en famille dans leur maison.

Conclusion ? Pas de conclusion. La journée est finie. Et je n'ai rien fait - sinon attendre que la journée soit effectivement finie. Tu vas me dire : "c'est pas grave, les vacances c'est fait pour ça !" Oui, mais moi je n'aime pas ne rien faire. J'aime que ça trépide de tous les côtés. J'aime regarder tout le temps ma montre et paniquer en me demandant si j'aurais le temps de tout faire. J'aime être pressée, stressée, débordée. J'aime que le temps m'échappe et j'aime partir à sa fuite. J'aime avoir mille choses à faire, mille projets en cours, et ne pas réussir à en réaliser seulement le quart.

Seulement en ce moment je suis trop fatiguée pour faire quoi que ce soit... pour seulement songer à faire quoi que ce soit. Tu ne peux pas imaginer comme le seul fait d'aller de mon ordinateur à mon lit m'exténue au point que je dois faire une halte entre le lit et le bureau... Non, j'exagère là ! C'était pour voir si tu allais tilter ! Tu sais bien qu'entre mon clic-clac et mon bureau il y a à peine deux mètres ! Mais bon, hélas, je n'en rajoute pas tant que ça... bien qu'il faudrait que je le fasse un peu, car ce que je raconte là est ininterressant au possible !!

Et toi Fred ? Alors que fais-tu ? Que de mystères autour de toi ! C'est quoi qui t'occupe autant ? C'est quoi tes projets plus ou moins avortés dont tu me parlais l'autre jour ? Je te pose des questions, mais je sais que tu n'y répondras pas vraiment, comme à ton habitude. Mes yeux ne peuvent pas voir tout ce que voient les tiens...

A bientôt.

Eva.

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