28 septembre 1999

Salut Fred !

Chaque mardi est pour moi un jour d'émigration, comme si je n'avais pas, depuis un mois, mon lot d'exil. Je troque le R.E.R. de la R.A.T.P. pour un T.E.R. de la S.N.C.F. Pour les étrangers qui nous lisent, je ne sais pas si c'est vraiment la peine de mettre des mots derrière ces lettres barbares. En gros, le R.E.R. est le train très souvent en grève qui traverse la banlieue parisienne dont les habitants ont un sens artistique si développé qu'ils prennent parfois les wagons pour un atelier de peinture contemporaine où l'on peut s'essayer à diverses techniques avant-gardistes, comme la peinture à la bombe et au marqueur ou la sculpture sur fauteuil au cutter. Le T.E.R. est le train, très souvent en grève lui aussi (comme c'est étrange), qui traverse les régions de France. Les talents artistiques sont curieusement moins développés dans ces trains là, parcourant pourtant beaucoup plus de kilomètres.

Bref, le mardi, c'est le jour où je vais à Mardiville retrouver un professeur payé pour nous apprendre, les camarades de ma discipline et moi, à être de bons professeurs. Je dois dire que mes camarades et moi, depuis un mois, nous avons pris nos habitudes. Entre le train de 9 heures 02 qui atterrit à Mardiville et celui de 17 heures 23 pour Paris, via Evaville, nous nous accordons de longues pauses entre les moments de "cours". Ma pause préférée est celle de midi. Je dois avouer que dans ma discipline on est un peu snob et on n'envisagerait pour rien au monde de manger à la cantine, avec le commun des professeurs. Nous regagnons donc le centre de Mardiville pour déjeuner dans une brasserie. Au début, les habitudes étudiantes étant encore tenaces, nous avalions un simple sandwich. Puis nous avons troqué le pain-jambon-beurre pour une petite salade. Maintenant, nous avons définitivement renié nos origines et sommes devenus bourgeois : nous déjeunons dans un vrai restaurant, choisissons le plat du jour, et accompagnons le tout d'une petite bouteille de vin de la région. Je sens que dans un mois, nous sommes bons pour l'apéritif et le dessert flambé accompagné de champagne !

Fred, il faudrait que tu sois là pour me surveiller ! Ce n'est pas que les garçons me font boire (je suis la seule fille du -joyeux- groupe). Non, mais je me suis vue servir aujourd'hui un verre de plus que la semaine dernière. Et le début de l'après-midi, en cours, a été très très dur. Mes joues étaient un peu trop rouges. Mes yeux s'acharnaient à fixer un point de la salle, histoire de ne pas avoir l'air mort. Et ma main tenait ma tête fermement, décidée à ne pas la faire rouler sur la table. Les débuts d'après-midi à Mardiville ont pour moi la lumière trouble d'un brouillard matinal.

D'accord, Fred, c'est promis, la prochaine fois, je ferai mienne la maxime "un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts !" (j'admire l'inspiration poétique dont a fait preuve le publiciste qui a inventé ça !)

Et toi, Fred ? Tu me (nous) racontes ce nouveau boulot ? Pourquoi ne te plaît-il pas plus que cela ? A mon avis, c'est que tu n'as pas encore trouvé là bas de camarades de jeu pour te mener au restaurant comme moi !

Eva.


Alors :

"un verre ça va, trois verres, bonjour la tête d'Eva..."

;-))
Fred !

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