Ce serait exagéré que de dire que ma nouvelle vie a fait de moi, comme toi, un zombie. Certes, il y a, comme toi, des jours où moi aussi je me lève tôt - bien avant que le soleil ose ouvrir son oeil lumineux. D'ailleurs, c'est dommage que tu te lèves aussi tôt : je voulais te conseiller de prendre, comme moi, ton petit déjeuner devant l'émission "Victor en Italie" (ou un truc du genre) sur la cinquième chaîne, vers 6 heures 30. Tu sais, c'est un de ces programmes censés t'apprendre, de façon attractive et didactique (il paraît que ces deux mots peuvent aller ensemble), à parler une langue étrangère - l'italien dans le cas présent. Je suis ça avec assiduité : j'ai déjà appris, en une émission, à dire en italien : "ma chemise est verte", et à réserver une chambre dans un hôtel. Bon, je ne suis pas très sûre de moi, alors je préfère ne pas te reproduire ces phrases dont la portée est si vitale (on ne sait jamais, si des Italiens nous lisaient, je ne voudrais pas faire des erreurs et paraître ridicule !). Bref, je me lève tôt, mais pas aussi tôt que toi, je te l'accorde. D'ailleurs, privilège de mon métier, je reste pas mal de temps chez moi (en tête à tête avec ma cathédrale... et avec mon ordinateur). Mais je ne sais pas comment je fais : je trouve le moyen d'être débordée et de n'avoir le temps de ne rien faire d'autre sinon travailler. Tout à l'heure, j'ai trouvé une lettre dans ma boîte aux lettres (oui, il m'arrive d'utiliser encore ce moyen archaïque). C'est une amie qui m'écrivait de Paris. Elle me raconte qu'elle a repris les cours de musique, et puis parle -entre autres- des films qu'elle a vus ces derniers temps. Comme hier tu as cité le courrier de ton amie, je vais m'autoriser à faire de même. Mon amie me demande : "As-tu trouvé, toi aussi, un groupe de gens gentils pour t'échapper de toi, de tes tâches, de tes fatigues ? [...] Mais peut-être n'as-tu pas une minute à toi ? Ou alors passes-tu tout ton temps libre sur Internet ?(Tu noteras que mon amie me connaît bien !) Non. Je t'imagine plutôt te baladant dans les rues d'Evaville. Dis-moi vite comment s'organise ta nouvelle vie !" Ma nouvelle vie... C'est vrai que je m'étais promis cette année de faire des tas de choses, en dehors du boulot. Pour une fois que je n'ai pas un concours à passer à la fin de l'année, je m'étais dit que j'allais me lancer dans pleins d'activités passionnées et passionnantes, histoire de découvrir le monde, voire de faire le monde d'une autre façon. Mais en lisant cette lettre, je me suis rendue compte qu'en fait je ne fais rien de tout cela ! Certes, j'ai bien essayé de m'inscrire au club de natation d'Evaville. Mais d'abord ça a lieu le vendredi soir, et moi j'estime que j'ai des choses de mieux à faire le vendredi soir que d'aller à la piscine ! Et puis, le cours auquel je suis allée, m'a assommé. Le moniteur nous a dit : "ceux qui ne sont jamais venus ou ceux qui sont débutants se mettent dans le premier groupe, tout à gauche du bassin". Bon, disciplinée et modeste, c'est ce que j'ai fait. Je me suis retrouvée avec un homme d'un certain âge et une dame d'une certaine corpulence, qui étaient essoufflés à chaque longueur. Et on nous a fait nager avec la planche sur le ventre, sous les jambes, sur la tête... Non, c'est moi qui me suis tapé avec la planche sur la tête, car ça m'ennuyait de m'arrêter tous les 25 mètres, pour attendre que les autres reprennent leur souffle. Bref, ma seule tentative de faire partie de quelque groupe que ce soit qui n'ait pas de rapport quelconque avec le lycée est vite tombée à l'eau (quel jeu de mots !). Quant au cinéma, je n'ai même pas trouvé le temps d'y mettre les pieds. Certes, je me suis abonnée à la grande bibliothèque de ma ville, qui prête aussi des vidéos. Mais, jusqu'à maintenant, c'est la veille du jour où je dois rendre les cassettes que je m'aperçois que je ne les ais toujours pas regardées. Alors je mets la vidéo dans le magnétoscope, en appuyant sur la touche "avance rapide", au lieu de la touche "lecture". Ce qui fait que je me regarde tout le film en version accélérée. En fait, comme en général je choisis des films étrangers en version originale (avec de vraies langues étrangères auxquelles on ne comprend rien, comme le suédois ou le polonais, et pas comme l'italien), je peux facilement repérer avec les sous-titres les moments où les personnages parlent (j'arrive même maintenant, avec de l'entraînement, à lire les sous-titres en version accélérée). Et puis, comme de toute façon ce sont des films intellos, il n'y a pas beaucoup de dialogues, ou alors les dialogues sont entrecoupés de longs passages silencieux, alors ça va relativement vite. Oui, j'ai profondément honte d'injurier ainsi le septième des arts ! D'autant plus qu'après mettre visionné un Bergman en version rapide, j'ai franchement mal à la tête, alors j'ai besoin de redescendre bien bas, et je finis la soirée en m'abrutissant avec ces émissions débiles qui passent à la télé en deuxième partie de soirée. Voilà, tu vois, j'en suis à l'étape moins 1 du Zombie. J'y suis presque arrivé. Le Zombie reste ma menace constante. Hélas, malgré ma lutte acharnée pour ne pas le devenir complètement, je crois que ma transformation en zombie-woman est pour bientôt : j'ai trouvé le moyen d'attraper le début d'un rhume, et je sens, d'heures en heures, la fièvre monter en moi et les microbes se multiplier. Demain, j'ai peur d'être transformée en zombie comateux, et de ne plus avoir totalement conscience de chacun de mes gestes. Au secours !!
Eva.
No Zombiman tonight, he's too tired !!! Fred-le-Zomby |
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