Voilà, je suis rentrée ! C'est pas pour dire, mais on est quand même bien chez soi... Suis-je si sauvage qu'il m'est devenu impossible de vivre avec qui que ce soit, y compris ma famille ? Non, ne réponds pas... Le voyage du retour a duré assez longtemps, car je suis arrivée très en avance à la gare. Ce n'est pas mon genre d'être en avance. En général, j'arrive pile à l'heure - pas vraiment en retard, mais juste à l'heure exigée, quasiment à la seconde près. Là, je me suis retrouvée sur le quai de la gare, trois quart d'heure avant le départ du train. Ce n'était pas voulu, c'est juste que j'avais mal lu les horaires du train. Tu sais, je n'avais pas été jusqu'aux petites astérixes, en bas, et je n'avais pas vu, pour le train que je voulais prendre la terrible phrase : "ne circule que le vendredi"... ou plutôt, si on traduit en bon français : "ne circule justement pas quand Eva veut monter dedans". Bref, j'étais là dans cette grande gare, avec mon gros sac à dos de randonnée. J'aime bien les gares d'habitude. On apprend beaucoup sur l'être humain dans une gare. C'est peut-être le seul endroit où des gens très différents peuvent se rencontrer, quels que soient leur culture, leur situation sociale, leurs rêves aussi. Car ce qu'il y a de merveilleux dans une gare, c'est de rêver sur des destinations lointaines, imaginant les histoires qui pourraient commencer dans ces nouveaux pays. Mais cette gare qui m'est maintenant destinée, qui est devenue la mienne puisqu'elle mène à Evaville, ne me fait pas vraiment rêver. Les villes vers lesquelles elle roule sont tristes. Les sonorités de leur nom manque de soleil et de couleurs. Donc, comme je me suis vite aperçue que je ne pourrai pas passer trois quarts d'heure à rêver devant un morne panneau d'affichage, je suis allée boire un chocolat au café de la gare. Cela ne m'arrive jamais (ou très rarement) d'aller seule dans un café, mais je voulais m'asseoir au chaud pour finir de corriger mes copies. Il n'y avait pas grand monde - quelques hommes d'affaires scotchés à leur téléphone portable ("Oui Monsieur, je signe le contrat !"), et un vieux monsieur avec un gamin qui courrait partout. Quand le garçon de café m'a vue sortir mes copies, il s'est mis à tourner autour de moi, visiblement intrigué. Mais j'ai tout de suite piqué du nez sur mes feuilles, car sa tête ne me revenait pas. Il avait les cheveux coupés courts - très courts. Ses yeux étaient noirs - très noirs. Et il avait le sourire crispé. Il s'ennuyait visiblement dans le café presque vide et tournait en rond. A ce moment là, une dame d'origine algérienne est entrée dans le café, et lui a demandé où se trouvait les toilettes. Elle n'a pas compris tout de suite ce qu'il lui disait. Alors il s'est mis à se moquer plus ou moins d'elle, et à murmurer, visiblement fier de lui : "moi, le français est la seule langue que je parle !". Une fois la dame partie, le type n'avait toujours rien à faire, vu que les hommes d'affaires étaient toujours collés à leurs antennes, et que moi j'étais cette fois très fermement décidée à ne pas engager la conversation avec lui. Alors il est retourné derrière le comptoir et s'est mis à s'acharner contre son employé (noir, comme par hasard). Il lui parlait comme à un débile : "tu vois, ça c'est une carafe d'eau, et pour mettre de l'eau dedans on fait comme ça !" "Faut tout leur expliquer !", qu'il ajoutait à la cantonade. Il y a un jeu auquel je m'amuse parfois, quand je ne sais pas quoi faire et que j'ai devant moi des gens à observer : il s'agit de deviner pour qui chacune des personnes que tu croises vote aux élections. C'est un exercice d'observation qui demande une bonne intuition. Mais pour ce type là, c'était pas bien difficile : avec son regard fourbe et ses mauvaises blagues, c'était inscrit sur son visage ! Ce qui m'a le plus contrariée, c'est que lorsque je me suis levée pour prendre mon train, il a sauté sur l'occasion pour m'adresser la parole, et m'a demandé quelle matière j'enseignais. Lorsque je lui ai répondu, il a pris l'air impressionné. Et alors qu'il avait été à la limite de la grossièreté avec la dame qui cherchait les toilettes, il m'a offert un chaleureux "Au revoir Madame", lorsque je suis sortie de son sale café. Ca m'a dégoûtée.
Eva.
P.S. : Nous avons reçu des mails de lecteurs ces derniers jours. Je voulais remercier nos lecteurs : mine de rien, nous avons un ego assez grand, et ça nous fait vraiment plaisir de nous sentir lu. Je dis "nous", mais tu es d'accord, Fred, n'est-ce pas ?
Ensuite, reprenons calmement... Tu me demandes si tu es si sauvage, que... enfin, non ! Tu me demandes de ne pas répondre. OK, je ne réponds pas ; tu te souviens de Catherine Deneuve et Yves Montand dans le film du même nom ??? Ce gars fortuné qui plaque tout pour aller vivre sur son île et qui est poursuivi par cette chi... ??? Ensuite, l'habit ne fait pas le moine ! ou peut-on juger les gens sur leur mine ? Car, que fais-tu d'autre que lui en voyant ses cheveux courts et ses yeux noirs ? Non, tu te dis que ça doit être un gros con raciste, etc, etc... Mais ça, seule la suite aller te donner le droit de le penser, lorsqu'il fait ses commentaires à sa cliente ou à son employé ; en ne jugeant ces gens que sur leur mine et sans voir plus loin que le bout de son nez (et/ou de son bulletin de vote...) Parce que tu ne me fera pas croire que tu es encore assez naïve pour ne pas comprendre pourquoi tu as droit à un gentil "Au revoir, M'dame", voire à un "Au r'voir, ma p'tite Dame", parce que tu es sa p'tite dame, vu que tu es blanche-blonde-bleux... (rayer les mentions inutiles !!!) Ca doit être ça qui t'a dégoutée, qu'il te classe comme étant plus proche de lui que des autres ??? Non ? Comme, je te comprends... Bon, après ces chose graves, finissons par les choses légères ; non, seulement notre égo est flatté par la qualité, mais regardes demain matin comment il va être flatté aussi par la quantité (et pas de triche là dessous du genre "je vais visiter dix fois mon site pour faire monter les stats", non, non !!! 24 visites ce soir, peut-être plus...). Comme tout ceci est risible ou insignifiant ! Sauf Eva, à considérer qu'aujourd'hui tu as eu presqu'une classe entière qui est venue assister à ton exposé, pas mal comme "mot de la fin", non ??? Alors, ciao, |
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