Discrétion



pour m'écrire












































hier demain
Mercredi 21 février 2001

Il y a deux types de personnes dans toute société : les populaires et les pauvres nazes. Les premiers sont applaudis, vantés, copiés. Les seconds sont objets de moqueries, de critiques méchantes et ironiques.

J'ai très tôt compris que je ne serai jamais dans la première catégorie. Je n'ai jamais été ni très belle, ni très intelligente, et - pire que tout - je n'ai jamais su paraître ce que je n'étais pas. Partout où j'allais, je me faisais peu remarquer, continuant mon bonhomme de chemin en solitaire, à l'écart du bruit et des lumières, avançant lentement mais sûrement. Lorsqu'il s'agissait de faire des équipes en sport, je n'étais jamais appelée la première par le capitaine - mais pas non plus la dernière. J'étais dans la juste moyenne - ni trop, ni trop peu.

Je ne faisais donc pas partie non plus de la deuxième catégorie, étant donné que l'indifférence que je provoquais ne pouvait faire naître la moindre critique, même cachée à défaut d'être agressive. Je faisais donc partie d'une troisième catégorie de personnes. Une catégorie hybride, mixte des deux premières sans véritablement avoir un quelconque point commun avec elles. C'était une catégorie neutre - sans nom ni visage : un clan discret ne faisant pas parler de lui et brillant par le silence qui, tout à la fois, le caractérisait et était amené à provoquer.

En réfléchissant, je crois être encore aujourd'hui partie prenante de cette catégorie. C'est plutôt scandaleux de ma part de l'avouer, moi qui dénonce le conformisme de la jeunesse. Pourtant, je crois, sans mentir, mettre tous mes efforts à ne pas me faire remarquer et à vivre dans l'ombre. Je ne crois pas que ce soit pour autant par désir de conformisme, comme je le dénonçais hier. Je ne veux pas particulièrement être comme les autres. Je veux simplement qu'on ne fasse attention à moi que si je le mérite - ou plutôt si mon travail ou mes actions contiennent un véritable intérêt digne d'être noté. Au fond, je préfère qu'on parle de moi seulement si on a quelque chose de notable à en dire - sinon, si vraiment je suis quelconque, je préfère me faire oublier. Je n'arrive pas à savoir si cette attitude est de la modestie - et certainement de la fausse modestie en l'occurrence - ou bien une réelle peur de paraître informe en raison d'une timidité trop grande. J'ai toujours pensé que si j'écrivais, je me ferais connaître sous un pseudonyme. Parce que si j'étais amenée à être connue, je ne voudrais pas que ce soit véritablement moi qui soit mise sur le devant de la scène, mais l'image de moi que je me serais construite et qui serait, seule, digne d'être offerte aux autres.

Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que ma position publique sur le Web, avec ce journal, reproduit exactement cette maxime - si c'en est une. Je ne suis ni louée ni dénigrée. Je suis peu connue, peu lue, jamais citée. Et pourtant personne ne vient me critiquer. Je fais peu parler de moi. C'est même une attitude revendiquée par mon silence : je ne participe à aucune communauté, n'ait aucun rôle particulièrement actif auprès des autres. Je crie par mon silence, au fond. Ce n'est pas que je n'ai rien à dire. C'est juste que je ne suis pas sûre que ce que j'ai à dire soit si intéressant au point d'attirer les oreilles du plus grand nombre. Quand je jugerai enfin que ce que j'écris gagne à être lu, alors peut-être ferai-je de la publicité...

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Ce que je lis en ce moment : La Nausée - J.P. Sartre (j'arrive pas à finir)
Le Joueur - Dostoïevski