Tête en l'air |
Lundi 2 avril 2001
En ce moment, j'oublie tout. Tout, vous dis-je ! Des exemples ? J'en ai à la pelle ! Samedi dernier, j'ai passé ma journée à corriger une interro faite par mes Poulpes adorés, afin de la leur rendre rapidement lundi (deux jours après qu'ils l'aient effectuée, si ce n'est pas de la livraison express top chrono, ça !)... mais je m'aperçois deux heures après la fin du cours que les devoirs sont restés dans mon cartable. C'est bien la peine de jouer les profs sérieuses si je n'en donne pas aux élèves les moyens de s'en apercevoir ! Un autre exemple ? Le vendredi soir, j'ai l'habitude de laisser quelques affaires au lycée (des manuels, le cahier d'absence) pour ne pas avoir à tout porter jusqu'à chez moi pour tout ramener ensuite deux jours plus tard. Hé bien, deux heures après avoir quitté l'école, je me suis aperçue que j'avais tout laissé dans mon sac qui pesait, au bas mot, près de 10 kg (juste de quoi vous déboîter l'épaule), et bien sûr, je n'avais pas rendu la feuille d'absence (ce qui est pas bien du tout, car Messieurs-Dames les surveillants n'aiment pas ça du tout). Ou encore, ce matin, deux heures après être arrivée au lycée, je me suis aussi aperçue que j'avais oublié le livre sur lequel je suis en train de travailler (et moi qui engueule ceux qui n'ont pas pris le leur !). Tout cela a intimement rapport avec le boulot, me direz-vous. "Ne serait-ce pas, Eva, que tout simplement tu n'as pas envie d'y aller, comme tu nous le fais bien comprendre à longueur de pages ?", remarqueriez-vous si vous étiez des lecteurs freudiens (vous savez, ce Russe qui vivait à l'époque de Clovis !). Sûrement, en effet, mes oublis doivent être révélateurs. C'est sûr, même. Mais comment expliquer alors que j'oublie aussi tout le reste ? De prendre ma montre ce matin, de choisir des couverts à la cantine ce midi, d'acheter un billet de train ce soir, de donner des croquettes à Hannah, de réviser mes cours d'allemand, d'écrire dans mon journal, de payer mes repas à la cantine, de savoir où j'ai bien pu garer ma voiture, et tout, et tout... Hein ? Comment vous l'expliquez, ça, que j'ai la tête en l'air ? Où ça ? Ben en l'air - haut, très haut dans des cieux embrumés et flous, aux contours indistincts ? "Elle est amoureuse !", allez-vous dire ! Hum, même pas ! C'est ça le plus injuste : je ne suis pas perdue en un autre que moi, mais bien égarée en moi-même, tout au fond de mes pensées brouillées (car elles aussi ne sont pas bien nettes). Faudrait que j'atterrisse. Oui, ce serait bien. Ou alors que je trouve une bonne raison d'être distraite. Oui, ce serait encore mieux.
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