Les dents de la mer



pour m'écrire
































































hier demain
Mercredi 25 avril 2001

Hier, après avoir écrit ma chronique, je me suis dit qu'il y en avait marre de répéter toujours la même chose, qu'il fallait que j'arrête de m'apitoyer sur mon sort, que ça commençait à en devenir ridicule à la fin et que si je continuais à me plaindre du vide de mon existence je n'avais plus qu'à arrêter d'écrire, car le disque finirait par user tous les lecteurs.

Bon.

Il fallait donc s'attaquer à la première étape de mon programme de redémarrage. J'ai pensé qu'il fallait commencer par le plus facile et s'occuper en premier lieu de l'épiphénomène du problème, de son enveloppe extérieure et superficielle : le corps. A défaut d'avoir un esprit sain (mens sana diraient mes amis les doctes), il fallait donc commencer par me faire un corpore sano. C'est pas que je lise les journaux féminins, mais quand même mon oeil s'y jette à l'occasion. Et quand il s'y perd (mon oeil), il voit toujours que pour être "bien dans sa tête", il faut être "bien dans son corps". Alors, j'ai voulu jouer les femmes modernes et actives, et je me suis dit "allons y !" (notez mon entrain).

Direction la piscine de Parentville. La natation, c'est à peu près le seul sport où j'arrive à rester à la surface sans couler (c'est le cas de le dire). J'ai découvert ça il y a deux ou trois ans, à Paris : j'étais tout le temps fourrée à la piscine, au lieu de réviser pour les concours sérieux que je préparais. Mais je dois avouer que depuis cette époque, j'ai un peu (beaucoup) ralentie le mouvement, et c'est à peine si j'y vais une fois tous les deux mois.

Quoi qu'il en soit, j'avais décidé d'aller à la piscine. Seulement voilà, quand on passe devant la piscine, on passe aussi devant le stade. Un stade sur lequel j'ai sué dans le cadre de la joyeuse discipline scolaire nommée E.P.S. de l'âge de 7 ans jusqu'à l'âge de 17 ans. Et en voyant tous ces corps blancs dans leurs petits shorts courrir sous la pluie glaciale, je ne me suis rappelée que des mauvais souvenirs. Pourtant j'ai bien cherché dans ma mémoire, mais, entre le 100 mètres où je me démenais comme une malade pour au final arriver dans les derniers et le saut en hauteur où j'étais tout de suite éliminée dès que la barre était mise à quelques centimètres du sol, pas une seule image joyeuse ne m'est venu à l'esprit. Franchement, je peux dire sans exagérer que les cours d'athlétisme ont été le calvaire de ma jeunesse. Dire qu'il m'a fallu attendre d'avoir 20 ans pour découvrir que le sport pouvait être une activité agréable...

Bref, j'ai fermé les yeux en traversant le stade et je suis entrée dans la piscine. Pour abréger, je passe sur les gamins hurlants (pourquoi un gosse qui est mis en présence d'eau a tout de suite l'irrépressible envie de crier ?), sur le type du vestiaire qui n'arrêtait pas de me dire "pas de problème, ma fille, j'te garantis à 100% l'efficacité de mes casiers !" alors qu'il a fallu essayer trois casiers avant de pouvoir espérer en trouver un qui fonctionnait... Bon, je passe aussi sur les toilettes bouchées. Tout ça, c'est rien à côté de ce qui m'est arrivée. J'étais bien partie, motivée, le battement des jambes alerte et celui des bras alliant la grâce à la force (n'est-ce pas) et j'arrivais tout juste à mon premier kilomètre, quand soudain... Quand soudain un requin d'une violence démesurée et d'une cruauté inomable m'a donné un brutal coup de nageoire sur l'oeil gauche, compressant ma fine paupière sous la ventouse des super lunettes de chez "Speedo". Je n'ai pas tout de suite compris ce qui m'arrivait. Après quelques piteux glouglous, j'ai pu refaire surface et, en me cramponnant aux bouées, jeter un coup d'oeil sur mon bourreau (seulement UN oeil, forcément, puisqu'il ne m'en restait plus qu'un de disponible). Mais le monstre ne s'était pas même arrêté et avait continué son chemin, fonçant droit sur une nouvelle proie.

Ici s'arrête l'histoire de mon grand programme de remise en forme. Car du coup,voilà ce qu'il reste de mon corporer sano : en sus de quelques minimes courbatures et d'un délicieux mal de crâne, un ravissant cocard à l'oeil gauche. Cela me donne un style certain, me diriez-vous. Sûre que je vais pouvoir lancer le look "femme battue". J'vous jure ! Laisser entrer des requins dans les piscines publiques, si ce n'est pas un monde ! Si ça continue, je vais lancer une pétition auprès du maire : "NON AUX REQUINS !" Non aux yeux au beurre noir ! Non à la malédiction anti-sportive qui s'est lancée sur moi il y a tant d'années sur ce stade inhumain ! Non, non et non ! Vous voulez signer ?



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Ce que je lis en ce moment : Un animal doué de raison - Robert Merle
Mrs Dalloway - Virginia Woolf
L'univers, les dieux, les hommes- JP Vernant
Ce que j'écoute : les bruits de la maison
Ma flemme du jour : m'occuper de remplir le dossier de mutation avant qu'il ne soit trop tard

Il y a un an.