Angoisse
de la page écrite.



pour m'écrire









































hier demain
Mardi 26 juin 2001

Des semaines que je remettais cela à plus tard, prétextant toujours un travail plus urgent - des copies à corriger, un bouquin sérieux à lire, ou même l'aspirateur à passer. Des mois que je me répétais qu'il fallait que je cesse de fuir devant mon propre désir. Des années que je renonçais lâchement à ce projet que j'avais fait il y a si longtemps.

Je ne sais ce qui s'est passé. Peut-être avais-je trop attendu et que je n'en pouvais plus. Quoi qu'il en soit, hier, j'ai osé m'installer à mon bureau, ouvrir un document vierge dans "Word", et je me suis mis à... écrire. Non pas à écrire ma vie. Non pas non plus à noircir des pensées universitaires. Mais à écrire simplement une histoire. Une histoire sortie tout droit de mon imagination et n'ayant aucun rapport avec ma vie. Oh, ce n'était rien. Rien qu'une petite histoire en forme de conte avec un "il était une fois" au début, pleins de personnages extraordinaires au milieu, et une fausse morale à la fin. Mais c'était une histoire tout de même. Voilà plus de dix ans que je n'avais osé donner la parole à mon imagination. Et rien qu'à elle.

Plaisir d'écrire des mots dansants ? Joie de créer des aventures impossibles ? Excitation de colorer des existences rêvées ?

Non, à vrai dire, rien de tout cela. Tous les paragraphes, j'avais envie d'abandonner, me disant que ce que j'écrivais n'avait ni sens ni beauté et ne méritait pas d'être appelé avec un quelconque adjectif littéraire. Je luttais contre moi à chaque instant pour ne pas appuyer sur la petite croix en haut à droite de l'écran qui détruirait à jamais ce fichier sorti trop insolemment de mon esprit. Il faut croire en soi pour écrire et c'est difficile de garder vivante cette assurance qui vous fait tenir la tête droite lorsqu'à chaque mot l'écriture vient vous fragiliser et vous remettre en question.

C'est pour cela en fin de compte que j'avais si peur d'écrire :
parce que je savais que le doute et l'incertitude allaient revenir et que l'écriture, tout en me comblant d'un plaisir incomparable allait remplir un abîme me mettant à chaque instant en équilibre au bord de moi-même. Il me semble qu'écrire c'est marcher en équilibre aux frontières de la réalité et manquer à chaque pas de tomber dans l'imaginaire et de s'y noyer. Il faudrait mettre au dessus des ordinateurs ce panneau bleu qui se trouve sur tous les ponts à Paris : attention, danger de noyade !
un homme à la Seine

J'ai péniblement réussi à écrire deux petits contes. Je les ai relus et imprimés. J'hésite entre les enfouir sous la tonne de papiers qui traînent sur mon bureau pour pouvoir les oublier, ou bien oser les montrer à quelqu'un. Pourquoi ai-je aussi peur du jugement des autres que de moi-même ?



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Ce que je lis en ce moment : Anna Gavalda - Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part
Météo : il fait bien trop chaud...

Il y a un an.
Il y a deux ans.