Etre à la hauteur
de ses rêves




pour m'écrire






































































hier demain
Jeudi 07 mars 2002

Je n'y crois plus... Plus du tout. J'ai été convaincue que c'était fichu dès que je suis sortie de l'entretien. J'étais là, sur le trottoir, et je savais que je n'irai pas aux pays des yankees. Brutalement, après la demi-heure d'entretien, j'ai eu le sentiment violent de ne pas avoir été à la hauteur de mes rêves. Ou alors, était-ce mes rêves qui étaient trop hauts ? Je ne sais pas, mais j'avais un gros noeud dans la gorge. Et puis surtout une gigantesque sensation de vide. Comme lorsqu'on se s'éveille d'un coup d'un rêve trop beau. Ou encore comme lorsqu'après avoir attendu pendant des mois un événement important, celui-ci soudain n'appartient plus à l'avenir mais au passé. Finis les rêves sur la comète, terminée l'excitation de la découverte, exit tout ça... Plus rien que la réalité. Toute la réalité. Rien que la réalité.

Heureusement, à la sortie, il y avait mon fan-club. Mes parents, heureux de trouver dans ce voyage éclair imprévu une occasion de me voir. Et puis surtout Copine Juju venue me faire la surprise, sans me prévenir. J'ai raconté ce qu'on m'avait dit, les questions qu'on m'avait posées. J'ai dit combien je m'étais sentie nulle et hors compétition à côté de la fille passant avant moi, dont j'avais entendu une partie de l'entretien. Et puis déjà je parlais au passé, et surtout au conditionnel passé. Mon fan-club était incrédule.

- Mais pourquoi tu t'avoues déjà vaincue ? T'as pas paniqué, t'as pas raconté n'importe quoi ? Non ? Alors ?
- Hé bien, j'ai dit la vérité, c'est ça le problème. Je ne me suis pas vendue, je ne me suis pas mise en avant. Je ne sais pas faire tout ça. Je ne sais pas transformer mes défauts en qualités. Ou alors quand j'essaie de le faire quand même, j'ai l'impression que ça sonne faux, que c'est pas moi.
- Mais tu as eu raison d'être toi ! Ne crois-tu pas que tu as des qualités ?

Mon fan-club me grondait, s'évertuant à me rappeler des réussites que ma mémoire sélective avait gommées, ne gardant que le pire...

- Rappelle toi les épreuves de Capes ! Tu n'es pas sortie de la salle d'examen contente de toi, et pourtant tu as eu la meilleure note à une des épreuves. La meilleure note parmi les 3000 candidats présents ! Rends-toi compte !
- Ouais, mais bon, l'autre épreuve je l'ai foirée, alors ça compte pas...
- Rappelle toi le bac ! Ta mention "très bien" ! Et toi qui n'étais pas même fière de toi, comme si ce n'était pas là une preuve de ton mérite !
- Bof, c'est pas grand chose. C'est juste que j'avais beaucoup bossé...
- Et puis encore ce concours...

Et ça a continué comme ça... Mon fan-club croit plus en moi que moi-même je ne crois en moi. A la fin, je me sentais presque coupable de mes doutes. Comment donc est-ce possible des gens qui vous aiment plus que vous vous aimez vous-mêmes ? N'est-ce pas là ce qu'il peut y avoir de plus fort dans les relations humaines ?

J'aurai la réponse objective de mon entretien en avril. Pour le moment je n'ai que des impressions, converties par mon seul regard et indisciplinées. Mais je préfère me dire dès maintenant que je n'irai pas à New-York. C'est trop dur de rêver et de soudain se réveiller. J'ai tout fait pour y arriver, maintenant plus rien n'est en mon pouvoir. Je préfère oublier toute cette histoire pour avoir la tête libre pour me dessiner de nouveaux projets. Des projets que je pourrai serrer entre mes doigts sans les faire s'étouffer. Qui pourront être grands encore. Mais grands comme la tour Montparnasse, et non pas aussi élevés que l'Empire State Building... Je ne veux pas que mon fan-club ait tous les jours à me ramasser à la petite cuillère en bas d'un building duquel j'aurais voulu sauter sans avoir avant affûté mes ailes.

la tour Montparnasse

(P.S. : voici ma nouvelle adresse)

Il y a un an.
Il y a deux ans.