Comme disait Simone...




pour m'écrire

























































































hier demain
Vendredi 08 mars 2002

C'est la "journée internationale de la femme" aujourd'hui. A la télévision, on voit tous les politiciens, en pleine campagne électorale, qui se gaussent d'être enfin parvenu au début du XXIème siècle à instaurer sinon une égalité, du moins une "parité" entre l'homme et la femme. Tout de même ils ne se sentent pas bien crédibles, alors ils font parler leur femme à leur place. Elles ne parlent pas en leur nom, ni non plus pour représenter leur fonction. Mais seulement parce qu'elles sont des femmes, et parce que c'est la journée de la Femme. On n'en a rien à faire au fond de ce qu'elles disent. Elles sont mises au devant de la scène seulement parce qu'elles sont un symbole. Un symbole qui permettra peut-être de reporter un peu plus de gloire (c'est-à-dire d'électeurs) sur leur mari. Voilà donc Mme Chirac qui s'amuse à jouer les bienfaitrices dans son costume de chez Dior (cherchez l'erreur). Voilà encore Chevènement qui fait un meeting politique en n'invitant que des femmes et qui, par souci de galanterie, leur sert aimablement le café...

Non, laissez moi rire ! On veut nous faire croire qu'il est facile aujourd'hui d'être une femme ? On veut nous persuader que la femme est un homme comme les autres ? On veut nous convaincre qu'on peut être une femme sans ambiguïté ? Quelle méprise !

Bien sûr, les rôles sont moins marqués qu'autrefois. Bien sûr, une femme peut devenir médecin, chef d'entreprise ou chauffeur routier, si elle le veut. Bien sûr, il y a moins de clichés et de caricatures qui retiennent la femme dans une image dans laquelle elle ne se reconnaît pas. Mais les clichés sont toujours là, et elle même elle doit réussir à jouer avec ces clichés et à les assimiler sans hypocrisie. Et cela, Mme Chirac a beau dire que c'est facile, ce n'est pas le cas... et je ne crois pas que cela pourra l'être un jour.

Ainsi, on apprend à une petite fille à être jolie avant toute chose, à ne pas parler trop fort, à faire des gestes gracieux et à avoir des mots soyeux au bord des lèvres. On lui dit "ne pense pas trop, cela risque de te décoiffer !" On lui fait comprendre qu'elle est d'abord un corps, et, accessoirement seulement, un esprit. C'est chez la femme que la distinction de l'âme et du corps a été la plus philosophiquement aboutie. Une femme n'a pas un corps, comme un homme, mais elle est d'abord ce corps. C'est son apparence et la façon dont elle va la mettre en avant, la soigner, la rendre agréable, qui la déterminent. On dira à un homme qui néglige la façon dont il s'habille qu'il a du charme. A une femme qui fait de même on dira qu'elle est mal fagotée et on rira d'elle. La femme doit paraître pour être.

Le problème, c'est que ce rôle là, la femme l'a intériorisé. Elle aura beau être une militante féministe et le refuser ouvertement, toujours cet impératif de beauté parlant au nom d'un prétendu Eternel Féminin reviendra la hanter et la troubler. On dit que les femmes intelligentes veulent être considérées comme belles, et les belles comme intelligentes. Comme si on ne pouvait pas être les deux en même temps. Et en effet, dès que c'est la pensée et l'intelligence qui se mettent en avant, c'est le corps qui est nié. La pensée implique un refus presque nécessaire du corps. Pour penser, il faut quitter sa vie simplement terrestre - cette basse existence qui parle à coup de besoins physiologiques. Pourquoi donc pensez-vous qu'il y a si peu de philosophes femmes ? Seulement, il n'est pas possible pour une femme de nier complètement son corps. Un homme le peut, mais pas une femme. Son corps viendra toujours lui parler, en lui murmurant de façon cyclique la régularité de sa vie physique. Et si elle veut oublier son propre corps en le détruisant, le regard masculin reviendra toujours le féminiser et elle reprendra contrainte et forcée l'enveloppe corporelle de laquelle elle voulait s'élever. Je crois qu'il y a toujours cette ambiguïté chez la femme : le désir double d'être un corps et d'en même temps le nier, la volonté inconsciente d'être aimée pour la seule image spirituelle de soi mêlée à l'impératif absolu de dessiner une image corporelle de son être toujours plus séduisante.

L'autre jour, j'étais dans le métro, debout, coincée entre une grosse dame et des lycéens, la main accrochée à la barre métallique. Pour ne pas tomber et trouver mon équilibre, il fallait que je plie légèrement ma jambe, en m'appuyant sur elle. Or, j'avais une jupe longue, fendue à partir du haut du genou. Le type qui était assis sur le strapontin à côté de moi n'a pas arrêté de fixer ma jambe pendant tout le trajet. J'étais gênée. J'aurais voulu pousser la grosse dame pour me cacher derrière elle et que le type ne puisse plus me reluquer. Son regard sur moi me réduisait entièrement à un corps, à une jambe dénudée, suggérant un désir en dehors de mon contrôle. Pourtant, je suis restée à ma place. C'est à peine si j'ai redressé mon manteau pour cacher ma jambe. Pourquoi ? Y avait-il dans mon attitude de la complaisance ? Un plaisir d'être regardée, au milieu du malaise et de la gêne ? Un désir de sentir mon corps attirant et une volonté de nier tout le reste ? J'ai l'impression que toute l'ambiguïté de la femme est dans cette jambe laissée suggérée derrière la jupe longue : une volonté réelle de cacher son corps, de le repousser derrière la vie de l'esprit, et puis en même temps un besoin irrépressible d'être réduite à ce corps, objet de désir et d'attirance.

Mais cette entrée est démesurément longue... A quoi je joue donc ? A me faire passer pour intelligente, tout en disant mine de rien j'ai de belles jambes ? "Quelle perfidie !", diront les lecteurs sexistes...

***

Pour finir, je voudrais, dans un geste humanitaire et altruiste, avoir une petite pensée pour tous les types (quand même assez nombreux) qui tombent sur ce site malencontreusement en tapant dans Google "Eva Herzigova". J'imagine que les pauvres doivent bien déçus en voyant (ou justement, en ne voyant pas) que je ne suis pas l'Eva de leurs fantasmes... Alors les gars, si c'est l'Eva à l'air-bag que vous cherchez, c'est par sur moi qu'il faut cliquer, c'est sur la dame en bas sur la photo !

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