Mégalegomanie |
Samedi
09 mars 2002
Parfois, dans un accès de doute, ou bien simplement de lucidité, je me dis que décidément tenir son journal en ligne est un geste de mégalomanie. Mégalegomanie, si l'on veut : un désir de tenir son ego pour effroyablement grand, peut-être même plus gros et plus richement gras qu'il ne l'est en vérité. Donner à autrui ce que l'on écrit, n'est-ce pas la même chose, au fond, qu'entrer en politique ou vouloir devenir star de la chanson ? Même ambition de faire parler de soi. Même appétit d'estime et de considération. Et surtout même désir passionné d'être aimé. Etre irréductiblement aimé pour ce que l'on est, au risque de ne l'être que pour ce que l'on paraît être. Est-ce qu'il y a seulement un seul de nos gestes qui est fait sans tenir compte de cette quête d'amour ? Est-ce que quelqu'un peut supporter de ne pas être apprécié ? Je me vois parfois si soucieuse du nombre de mes lecteurs, de ma popularité virtuelle et des compliments reçus que je me rends compte qu'écrire ainsi ne peut être anodin. Comme si je n'écrivais ni pour moi simplement, ni pour les autres réellement, mais seulement pour être aimée d'autrui, afin, peut-être, de m'aimer alors un peu plus moi-même. De la même façon, je suis très attentive aux messages de mes lecteurs. Je les attends avec impatience. Mais je supporte difficilement qu'un de ces lecteurs me critique ou me dise la façon dont je devrais me comporter. Quand on me fait une de ces remarques sur ma vie, je m'énerve quelque peu et je ne peux pas m'empêcher d'être contrariée. Comment donc !, dit mon ego, tu n'es pas aimée de tout le monde ! Mais ça ne va pas ! Il faut que l'on t'apprécie ! Mais comme cet ego est orgueilleux et prétentieux ! Il s'expose aux regards extérieurs et ne voudrait n'en tirer que des compliments, et jamais des critiques, ou même seulement des réserves. Mais ne va-t-il donc pas éclater à force d'être si enrobé de sa propre auto-complaisance ? Parfois j'aimerais inventer une autre façon d'écrire. Je voudrais réussir à écrire des mots qui sortent d'autre part que de mon nombril. Mon nombril est tout rond - un noeud fermé sur lui-même, coupé des liens extérieurs. Que puis-je en sortir à force de m'agripper à ce cordon qui ne me renvoie qu'à mes laides entrailles ? Pourquoi donc ne suis-je pas capable d'enfin regarder autour de moi et de puiser la sève de mon écriture d'ailleurs que mon propre être ? Suis-je donc si égoïste ? Incapable de fixer des yeux au bout de mon ego ?
![]() Il y a un an.
Il y a deux ans. |