Chirac : 20% |
Dimanche 21 avril 2002
A dix-neuf heures trente, quand les journalistes à la télé ont eu un petit sourire en coin en parlant de surprise, j'ai pas pu imaginer qu'il fallait envisager le pire. J'étais déjà assez furieuse de ne pas avoir pu voter, m'étant présentée trop tard à mon bureau de vote qui fermait à 18 heures et non à 20 heures comme je le pensais. A 19 heures 59, mon souffle s'est coupé. A 20 heures, j'ai été bouleversée quand j'ai vu s'afficher à l'écran le visage de Chirac à côté de celui de Le Pen. J'ai aussitôt téléphoné à mon père : "non, c'est pas possible, Papa !". Si... si, je vis dans un pays où près de 20 % des citoyens sont d'extrême-droite. S'il n'y avait pas tant de colère en moi, j'aurais envie de pleurer. Mon Dieu, dans quel pays est-ce que je vis ? La démocratie c'est donc ça : le choix entre la droite et l'extrême-droite ? Les Français ne sont-ils pas responsables ? Ne se rendent-ils pas compte de la gravité de leur choix ? A force de monter en épingle des faits divers et de mettre dans toutes les bouches de tous les journalistes et de tous les hommes politiques de droite comme de gauche le mot prétendu sauveur "sécurité", les Français ont-ils donc cru que l'ordre valait mieux que tout - même si c'est au prix de l'exclusion et de la suppression des libertés ? A force de dire et répéter "ils sont tous pourris", les Français ont-ils pensé que la seule solution c'était la fin de la démocratie ? Non, je ne trouve pas d'explications à ces résultats. Le pays dans lequel je vis me fait peur. Pour la première fois, je me dis que peut-être j'ai un rôle en tant que professeur. Je veux leur dire demain matin, à tous les Poulpes, que c'est eux qui font leur pays, que c'est eux qui doivent savoir ce qu'ils veulent de leur société et qu'ils ont à prendre conscience de la responsabilité qui est la leur en tant que citoyen. Mince, ne doit-on pas aller voter avec sa conscience et sa raison ? Aussitôt après la nouvelle, Stevee m'a appelé au téléphone. Nous avons parlé longuement de tout cela. Les mots sortaient précipitément sans ordre, juste avec de la colère, comme ici. Après une heure, en racrochant, elle me dit qu'elle va passer la soirée sckotchée devant la télé, comme pour le 11 septembre : "c'est notre 11 septembre à nous", me dit-elle. Non, c'est pire que le 11 septembre, car c'est nous qui en sommes responsables. La France, ce sont nous, les Français.
Il y a un an.
Il y a deux ans. |