J'ai deux heures de cours à préparer pour demain, mais je n'ai pas le courage de m'y mettre maintenant. Après six longues heures de bourrage de crâne, mes idées ne sont plus très vives. J'étais toute la journée à l'école des profs pour ce qui s'appelle là bas la "formation générale théorique". Il s'agit bien de théorie, bien de généralités aussi, mais pas vraiment de formation. Explique-moi comment des gens qui n'ont jamais enseigné dans un lycée ou dans un collège peuvent-ils donner des cours à des professeurs déjà en situation ? Comment un docteur en science de l'éducation qui n'a jamais vu un élève peut-il enseigner la psychologie de l'adolescent ? Le pire, c'est que quand ce sont des gens qui ont été professeurs, qui ont commencé comme nous, arrivés là où ils sont, ils ont complètement oublié d'où ils venaient et se sont si bien intégrés au système qu'ils représentent qu'ils n'en sont pas même capables d'en ressentir l'absurdité. Ces gens-là n'habitent pas sur la même planète que la mienne, ça c'est sûr. Ce n'est pas comme le mardi, à Mardiville, le mercredi, nous ne nous retrouvons pas simplement avec ceux de notre discipline, mais tous réunis, toutes matières confondues. Dans l'absolu c'est enrichissant de rencontrer de jeunes collègues débutants qui enseignent les mathématiques, les arts plastiques ou la technologie. D'ailleurs j'ai parlé avec pas mal de gens sympas. Mais ce qui m'assomme, c'est que beaucoup d'entre eux ne trouvent rien à redire à ce système. Il y en a même qui ont choisi des cours supplémentaires, tellement les problèmes qui y été abordés les intéressaient. Peut-être est-ce moi qui n'ai pas une conscience professionnelle suffisamment développée ou une curiosité épanouissante, mais, lorsque pendant six heures on me parle des professeurs des écoles en primaire, de l'apprentissage de la lecture en C.P. ou de l'évaluation en classe de sixième, moi, qui n'enseigne qu'en Terminale, je ne me sens pas concernée. Et quand on sous-entend qu'on ne peut être un bon prof sans pédagogie et que c'est toute la pédagogie qui fait le professeur, je tombe des nues. Et quand on déblatère sur les finalités du système éducatifs sans parler une seule fois des élèves, la colère commence sérieusement à monter en moi, en particulier lorsque je pense à tous les cours que j'ai à préparer chez moi, si seulement on me donnait le temps de travailler. Donc, ce qui m'énervait, c'est que les autres avaient l'air de trouver normal d'être là et certains étaient même enthousiastes. A croire qu'ils n'avaient aucun esprit critique. Il y a des exceptions bien sûr. Dans notre groupe il y avait par exemple un type (avec qui j'ai eu une conversation philosophique assez intéressante d'ailleurs) qui n'arrêtait pas de la ramener : tu sais, le genre qui a toujours son grain de sel à mettre dans toute discussion. Au déjeuné, il a dit, après un cours particulièrement affligeant : "c'est le meilleur cours que j'ai eu depuis le début de l'année". C'était ironique bien sûr... Mais il y a une fille qui l'a pris au pied de la lettre et qui a acquiescé ! Non, je suis méchante. L'école des profs n'est pas complètement inutile. Elle m'a appris beaucoup aujourd'hui. J'ai eu en pratique le modèle du cours mauvais par excellence, l'exemple du professeur à ne surtout pas devenir. J'ai passé les trois quart de mon temps à dessiner sur un coin de feuille. Quand on nous prend pour des gamins, comment faire autrement que de se comporter comme l'un d'eux ? Eva. P.S.: Des nouvelles du petit chaton... Finalement, dans quelques semaines il sera sur mes genoux à regarder les yeux de mon P.C. Je ne l'ai pas encore vu, mais déjà il m'attend. Il a déjà un nom, mais j'aimerais lui en choisir un moi-même... Toi ou mes lecteurs ont-ils une idée ?
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"J'en ai marre d'être fatiguée moi !" me disais-tu sur l'autre canal. En tout cas ce long coup de fil dont je te parlais hier, m'aura aussi permis de découvrir un autre ailleurs : le Tisserand, je ne sais pas si tu connais, si tu l'as déjà feuilleté, si tu aimes ou si tu aimerais ; mais là je n'ai pas peur de me mouiller : j'aime son journal à le dévorer (ce que je perds mon temps à faire) en imaginant que ce jeune homme (!) ne peut qu'être aussi intéressant que ce qu'il écrit... Voilà, je t'abandonne pour un instant, je n'ai pas envie d'écrire, j'ai envie de lire !!! |
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Novembre | ![]() |