Mardi 29 avril 2003

Parfois
Parfois, j'ai peur qu'il ne m'aime plus comme aujourd'hui. Je ne redoute pas d'être la fille plaquée, larguée, abandonnée, ou quoi que ce soit de cet ordre là. Non, ce dont j'ai peur parfois, c'est qu'il se lasse simplement de moi. Qu'il se mette à me suivre juste par habitude, juste parce que finalement je suis une copine pas trop moche et plutôt gentille, qui passe bien aux yeux de ses copains. Aimer par habitude, c'est bien pire encore que la répugnance ou la haine. C'est aimer comme ça, parce que c'est confortable et parce que ça fait longtemps qu'on aime ainsi. C'est aimer faute de mieux, parce qu'on veut passer le temps et qu'on n'a rien à faire d'autre de ses week-end. C'est aimer par routine, parce qu'on ne veut pas se donner la peine de mettre le mot "fin" sur une histoire à laquelle on ne tient plus que pour la nostalgie qui s'en dégage. Non, vraiment, j'espère n'être jamais aimée de cette façon.

Parfois - d'autres fois - j'ai peur qu'il me trahisse. Qu'il parle derrière mon dos en mauvais termes, en disant du bout des lèvres un "elle" méprisant pour désigner sa copine trop collante, trop stupide ou trop instable. Qu'il se joue de moi, profitant de la brèche qu'il a ouverte dans ce coeur en moi dont j'avais toujours étouffé l'ardeur sous l'expression unique et toute puissante de la raison. Comme si être aimée, c'était donner l'arme pour se faire tuer. Je n'ai pas cette peur là à cause de ce qu'il pourrait faire ou dire. Bien au contraire, tout me porte à croire que jamais il ne sera ainsi et chaque jour il m'en fournit la preuve. Mais je me dis que si tant de filles ont été trahies, pourquoi, moi, je ne le serais pas aussi ? Il paraît que l'amour est cruel, que les histoires finissent mal en général, comme dans la chanson. J'ai à mes oreilles ces propos de vagues copines trompées : "les mecs sont des baratineurs, des menteurs, des salauds". Alors parfois, dans un soupçon injustifié, devant pourtant sa gentillesse, son attention, ses caresses, je murmure en moi : "et si quand même c'était vrai ?"

Parfois - d'autres fois encore - j'ai peur au contraire de ne pas aimer assez. De ne pas être capable de tout donner de moi et de vouloir toujours garder de moi une part cachée, alors que peut-être il me voudrait toute entière. J'ai peur de perdre mon indépendance et de ne plus savoir affirmer mon égoïsme. Déjà, il me semble avoir perdu totalement ce sens de la solitude dont j'étais pourtant si fière, malgré mes plaintes récurrentes. Avant lui, je savais être seule : je savais me regarder en face et m'affronter, faire face à mon néant et à mon être sans fléchir le regard. Aujourd'hui, je ne sais plus si j'en suis capable comme avant. Alors, à ce moment là, j'ai peur. J'ai peur qu'il m'ait désappris la solitude. Car si un jour je ne savais plus dire "moi je" dans le silence d'une grande maison vide, pourrais-je quand même continuer à être moi-même ?

Ces peurs ne m'appartiennent pas. Ce sont des clichés que je traîne comme un poids au détour d'un bonheur avec lui. Ce sont des images étrangères que j'ai arrachées à des âmes jalouses et mal chanceuses. Ces peurs n'ont rien avoir avec lui. Lui et mes peurs ne se regardent pas, ne parlent pas même la même langue. Ce sont juste des attaques au bonheur. Je ne veux pas croire qu'il est vrai, après presque six mois d'amour, que tout puisse se passer parfaitement bien - que c'est même simplement possible. Alors je m'invente des peurs improbables. Simplement pour brouiller les pistes de mon bien-être. Au fond probablement que que je me donne ma part de soucis amoureux juste pour me convaincre que j'ai le droit d'être totalement aimée puisque peut-être je ne le serai pas toujours.

Peut-être que finalement la chose la plus difficile en amour n'est pas d'être trahie, trompée ou envahie, mais simplement de croire à son droit au bonheur. Comme si ce droit ne pouvait être qu'une utopie.

on n'a pas le droit de marcher dans le parfum des fleurs



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