Mardi 7 septembre 2004

Cèdres et monastères
Rendez-vous ce matin dans le nord, à Ehden, pour marcher dans la montagne. Sur la route, nous entendons soudain un bruit bizarre : une des roues arrière est en train de se dégonfler ! A peine O. et son père ont-ils commencé à sortir les outils pour changer la roue qu'une voiture s'arrête : "vous avez un problème ? vous avez besoin d'aide ?" En moins de cinq minutes, la mère d'O. et moi nous voici rapatriées dans une voiture et invitées à boire un café dans une riche demeure voisine. Nous discutons un moment en attendant que les hommes aient fini de changer la roue. C'est une jeune Libanaise qui a grandi en Amérique Latine et qui est ici chez ses grands-parents qui nous accueillent. La maison est si belle qu'il n'y a pas de doute qu'ils ont fait fortune là bas. En tout cas, cet accueil si chaleureux par de parfaits inconnus me montre que l'hospitalité libanaise n'est pas une légende. Combien de Français se seraient arrêtés pour aider des automobilistes ayant crevés et les inviter chez eux ?

La réparation a été rapide et nous sommes à l'heure au rendez-vous que nous avions fixé avec un guide de la réserve naturelle de Horsh Ehden. Nous voulions profiter de nos vacances au Liban pour faire un peu de randonnée, mais n'ayant pas de carte, nous préférions être accompagnés. C'est Jihad qui va nous faire découvrir la forêt. Cette réserve qui s'étend sur plus de 1 000 ha réunit près de 40 espèces d'arbres - dont une majorité de cèdres. Ceux-ci sont pour la plupart hauts et élancés, leur tronc ressemblant à de vrais poteaux : très près les uns des autres, ils n'ont pu grandir en étalant leurs branches en escalier. Ce sont de ces arbres que se servaient les Egyptiens pour construire leur temple. Jihad nous montre chaque plante, chaque arbre, nous parle des animaux qui vivent dans la forêt (loups, hyènes, chats-sauvages...). Il affiche toujours un petit sourire doux et tranquille. Plusieurs fois, il est interrompu par la sonnerie de son portable - c'est que, tout en marchant dans la montagne avec nous, il fait aussi son deuxième métier qui est de vendre des pneus ! Beaucoup de Libanais sont en effet obligés d'avoir plusieurs boulots pour vivre convenablement. Avec un salaire moyen de 800 dollars par mois, il n'est en effet pas toujours facile de s'en sortir.

un aperçu de la forêt d'Edhen

Cette promenade de trois heures dans la forêt nous a enchantés, nous montrant que ce n'est qu'à partir de 2 000 mètres que la montagne - ici le Mont-Liban - devient désertique. En dessous, elle sait être très verte et accueillante.

Pour le déjeuner, nous retrouvons les parents d'O. dans un grand restaurant. Celui-ci est très bien placé, puisque on a une vue magnifique sur les montagnes et la côte. Nous nous attablons devant un mezze d'une dizaine de plats - ce n'est qu'un petit repas, très simple, me dit-on. Pourtant le repas est copieux et varié et ne coûte pas plus de 10 dollars par personne.

juste un petit repas à la libanaise

En reprenant la voiture, nous nous trompons de chemin, mais le hasard fait bien les choses, puisqu'il nous mène à la grande église de Saydet el Hosn (Notre-Dame du Château). L'église nest pas très belle, toute de béton, mais la vue qu'on a du sommet est remarquable. On voit bien toute la partie nord du Liban.

Nous pénétrons ensuite dans la vallée de la Qadisha. Ces gorges recouvertes d'arbres et de gros rochers sont le fief de la communauté chrétienne maronite. Partout sur les flancs escarpés de la montagne, on rencontre des monastères construits à même la roche. Nous visitons l'un d'eux : Deir Mer Antonios Qozhaïa. Accolée à une grotte - la grotte de Saint-Antoine, où l'on attachait les fous pour soi-disant les guérir - l'église est construite dans le flanc des rochers et s'ouvre par une riche façade de pierre ocre et beige. L'endroit est tranquille. Décidément, les moines savent trouver les endroits les plus beaux pour construire leurs maisons !

Monastère Saint-Antoine

Longeant la vallée de la Qadisha, nous nous arrêtons ensuite à Kousba, devant le "Château du Liban". Il s'agit en fait d'un édifice en basalte noir ressemblant à une énorme pièce montée. Je voulais seulement admirer la vue sur le monastère d'Hamatoura, situé en face, mais nous nous retrouvons embarqués dans la visite commentée du lieu - en fait un restaurant - par le serveur. Rien d'antique et encore moins d'authentique dans ce bâtiment construit en 1982 par un dentiste fortuné apparemment à l'esprit très fantasque. Partout, sur les murs ou sur le sol abondent les symboles sur la paix et la guerre. Les analogies sont bien plus ridicules que subtils, dirons-nous. L'ensemble est bien kitsch et on soupçonne le serveur de prolonger indéfiniment sa visite juste pour nous inciter à rester dîner dans son restaurant !

le château du Liban, rien que ça !


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