Voilà, on a l'appartement. Tout s'est bien passé : signatures, chèques, remise de clés et autres formalités administratives. On l'attendait depuis longtemps ce jour-là. Et pourtant finalement, tout est allé très vite.Première visite de notre appartement jeudi après-midi, après le notaire, avec les désormais ex-propriétaires qui nous donnent de dernières recommandations sur la chaudière et la cave. C'est la première fois qu'on voit l'appartement sans les meubles. Bien entendu, tout n'est pas impeccable. On avait prévu de repeindre le salon. Finalement, on se dit que ce serait bien de repeindre aussi la chambre. À peine sortis du nouvel appartement, nous filons aux nocturnes de Leroy-Merlin. Je déteste aller dans les magasins de bricolage. Mais je n'ai pas le choix. Nous embêtons tous les vendeurs pour qu'ils nous expliquent quel est le meilleur type de peinture. La voiture remplie de pots de peinture, de pinceaux et d'enduit de lissage, nous revoilà à l'appartement. Il fait nuit maintenant. Nous refaisons une nouvelle fois le tour des pièces pour la centième fois. 19h55. Nous restons cinq minutes de plus pour attendre 20 h et voir les petites lumières scintillantes de la tour Eiffel. Oh, elle est loin, la tour Eiffel. Elle semble toute petite, tout au bout de l'horizon. Mais on la voit bien tout de même, surtout la nuit, où ses lumières paraissent dominer toute la ville. C'est fou. Nous avons un appartement avec vue sur Paris. On n'y croit pas encore vraiment.
Dimanche soir. On dîne tous les deux dans la cuisine sur une minuscule table pliante qui est si petite qu'on peut à peine y poser deux assiettes en face à face. O. a passé la journée à reboucher les fissures du plafond et à poncer les murs. Quant à moi, j'ai arraché violemment tout le papier peint de la chambre et j'ai enlevé la moquette dans le bureau. L'appartement ressemble à un champ de bataille. Trous dans les murs, papier peint en lambeaux, parquet taché... On a l'impression d'avoir tout détruit. On se regarde, un peu désespérés, un peu sonnés aussi. On se dit : voilà, on a dépensé des milliers d'euros pour ces murs qui ne ressemblent à rien et on ne sait même pas quand on aura fini les travaux pour pouvoir y habiter décemment. On se donne l'impression d'avoir fait une grosse bêtise - mais une bêtise si énorme qu'on ne peut pas reculer et tout effacer. C'est notre appartement désormais, et on ne peut plus changer d'avis.
Mardi soir. Mon moral était au plus bas lundi, mais finalement il a fini par remonter en droite ligne. O. a fini de repeindre le plafond du salon. C'est tout blanc, tout lisse et ça sent la peinture dans tout l'appartement malgré les fenêtres ouvertes. On a bel espoir que cette pièce soit finie avant le déménagement ce week-end. Les chambres sont toujours dans un état apocalyptiques. Tant pis, on dormira dans le séjour pendant un certain temps et les affaires resteront dans les cartons !Je me suis demandée pourquoi j'étais si déprimée il y a quelques jours. Je crois que c'est parce que je ne me sentais pas chez moi. Pire, pendant quelques heures, j'ai eu l'impression de ne plus avoir de chez moi. J'allais d'une pièce à l'autre de l'appartement et je n'arrivais pas à m'y projeter - je n'arrivais pas à m'y voir heureuse. J'ai eu peur que cette impression perdure et de déménager dans un lieu où je ne me reconnaîtrais plus - où je n'aurais plus la liberté d'être moi-même. Car comment être bien avec soi si on ne se sent pas en sécurité où l'on vit ? Depuis hier, j'essaie de ne plus penser à tout ce qui m'a tracassé les derniers jours - les murs défraîchis, le parquet à vernir, le plafond à repeindre. J'essaie de visualiser les pièces avec mes meubles, mes livres, mes tableaux. Et déjà je me sens mieux. Serais-je devenue définitivement une petite bourgeoise avide de propriété et de confort ?