Imperceptiblement, ça nous rappelle les voyages linguistiques de notre adolescence. Les chips au vinaigre, les beans à la tomate au petit-déjeuner, les dîners à 18 heures dans des familles anglaises pas bien aimables... Sauf que dans le tunnel, on a traversé la mer sans même l'apercevoir. Et quand même, en y pensant, n'est-ce pas bizarre d'aller sur une île sans pourtant voir la mer qui la sépare du continent ? 4 jours à Londres pour le week-end du 15 août. Dans les journaux, ils disent que le risque "Attentat" est au maximum. Mais on a réservé les billets depuis plus d'un mois : impossible d'annuler maintenant.De l'extérieur, l'hôtel est drôlement chic. A l'intérieur, c'est autre chose. Dans la chambre, il y a juste la place pour le lit et un minuscule lavabo. Les toilettes, c'est sur le palier, derrière la porte dont le verrou est cassé. Qu'importe, après tout, on ne compte pas passer beaucoup de temps à l'hôtel. Je l'ai annoncé à O. : "à Londres, je veux tout voir !". O. râle un peu et dit qu'il a déjà mal aux pieds. Qu'importe : aidée de mon Routard et de mon Lonely Planet, j'ai déjà établi avec précision mon itinéraire touristique.
A chaque fois qu'un rayon de soleil apparaît, aussitôt il est chassé par une averse. Dès que je croise mon visage, au hasard d'un reflet dans une vitrine, je suis prise d'une honte impensable : le temps humide a recouvert ma tête de mille frisottis indomptables ! Je passe la main dans mes cheveux toutes les cinq minutes en soupirant : "je ferais comment, moi, si j'habitais dans ce pays ?" Oxford Street, Soho, Covent Garden, Picadilly Circus... Londres court à cent à l'heure. On a presque du mal à la rattraper. Débarqués de notre vieux Paris, on se sent presque ringards - comme des provinciaux qui découvriraient enfin la capitale. Je fais des photos de touriste français : les bus à deux étages, les boites aux lettres rouges, les gros taxis noirs (aujourd'hui recouverts de publicités). Mais je renonce à me faire photographier à côté d'un garde de Sa Majesté The Queen. De toute façon, cette photo existe déjà : j'avais onze ans et les cheveux tout aussi frisés (vive la pluie). Le macadam de Londres défile sous nos pieds. A chaque carrefour, on regarde dans tous les sens : "look right", c'est écrit sur le sol, mais on s'y perd à force de faire tous nos gestes quotidiens en sens inverse.
A bout de force, on trouve refuge dans un café de Trafalgar Square et on commande un café et un chocolat en précisant "small". On nous amène des tasses géantes remplies à raz bords. Je demande à O. : "Tu crois que les Anglais passent leur temps à aller aux toilettes à force de boire des cafés d'un demi litre ?"Le lendemain, on décide de changer d'atmosphère. On reste cette fois-ci plus longtemps dans le métro : on file droit vers l'est - East End et le quartier indien de Londres. En quelques stations de métro, on a changé de continent. Sur les murs couverts de graffitis, les noms sont écrits dans un alphabet étrange.
On s'engouffre dans un supermarché et file aux rayons des épices : des dizaines d'épices de toutes sortes, aussi inconnues les unes que les autres ! Un peu plus loin, on rentre dans une petite boutique de produits islamiques. Le vendeur - un Pakistanais très barbu, ressemblant à l'image que les médias occidentaux veulent nous donner du terroriste de base - nous observe nous extasier devant un jouet en forme d'ordinateur destiné à apprendre l'alphabet arabe aux jeunes enfants. Nous continuons notre chemin. Les puces de Brick Lane : des étalages un peu miteux juxtaposent des boutiques "vintage" ultra branchées. On croise des vendeurs à la sauvette troquant des DVD piratés, le regard sur le qui-vive, et des nanas aux cheveux multi-colorés et aux bas à paillettes. Londres n'en finit pas de cultiver les contrastes.Troisième jour. On change encore de ville. On est résolument des touristes français à Londres : cette fois-ci, on a décidé d'assumer notre statut. Saint-James's Park, Buckingham Palace, Big Ben, House of Parliament, Wesminster Abbey, Tate Britain. A Buckingam, un flot de touristes est massé aux grilles du palais. "Es el cambio de los guardios", crie une Espagnole à nos côtés. On fait du coude pour trouver un bout de grille libre et on vient attendre avec tous les autres - sous la pluie. Au bout de 30 minutes, un policier sort du palais : la relève de la garde n'a pas lieu les jours pairs au mois d'août ! Tout le monde se disperse, un peu déçus, laissant à la grille quelques Italiens qui semblent espérer apercevoir quand même une improbable tête couronnée. La pluie continue de me friser les cheveux et nous continuons de marcher. Nous défilons devant les centaines de caméras qui parsèment la ville. J'ai repéré le petit logo annonçant que nous sommes filmés et je regarde avec insistance toutes les caméras que nous croisons : y a-t-il de l'autre côté de l'objectif quelqu'un qui m'observe, lui aussi ?
Quatrième jour. Il fait presque beau. C'est presque l'été. J'avais prévu d'aller voir un musée de peintures. Mais en arrivant à South Kesington, on tombe devant vue une grande affiche annonçant une exposition sur les dinosaures, ce qui réjouit O. Je change d'avis et on entre dans le musée d'histoire naturelle. La foule est compacte dans le musée. Des centaines de petits Anglais avec leur papi et leur mamie hurlent devant chaque reconstitution de dinosaure. Leur enthousiasme est justifié : le musée est très ludique et extrêmement riche.
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Vidéo envoyée par regards
En sortant du musée, un rayon de soleil nous fait quitter les manteaux. Nous parcourons les rues à la recherche d'un sandwich, avant de pouvoir enfin nous reposer sur un banc de Hyde Park. Nous caressons les écureuils. C'est déjà l'heure de rentrer.Dans l'Eurostar, des bobos parisiens se racontent leur week-end shopping à Londres. Nous ne sommes que dans le train, mais c'est déjà la France. J'enlève mes chaussures et me blottis dans les bras d'O. "Dis, on reviendra ?" Ces quatre jours nous ont fatigués et ruinés, mais c'est sûr : "we'll be back.
Il y a un an. Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. |