Lundi 17 mars 2008

 

En dehors

Depuis quelques semaines, je me surprends à m'oublier moi-même. Je vis à l'extérieur, un peu en dehors de moi-même je veux dire de la part sombre de moi-même : mes états d'âme et mes machins qui, trop souvent, m'enquiquinent. Ce n'est pas que je me sente particulièrement bien. Cet état n'est pas cette quiétude sereine qu'on appelle le bonheur. Je ne suis pas heureuse, mais pas malheureuse non plus. En vérité, je suis au-delà de ces états-là, dans une espèce de sas où je me suis mise à l'abri de tout jugement normatif de mes états d'âme. Je suis entièrement à ce qui me préoccupe et ce qui me préoccupe en ce moment n'a rien à voir avec moi-même. Je pense à mes BAT et à la surcharge de travail qu'ils m'imposent. Je pense à mon voyage et à sa préparation qui m'active un peu plus intensément encore maintenant que la date du départ s'approche (plus que 10 jours avant de prendre l'avion). Je pense à tout cela et, entre les soucis pratiques et les projets concrets, j'oublie d'écouter mon corps et ses douleurs, j'oublie de laisser parler mes maux et mes frustrations d'être.

Comme c'est reposant !

J'ai la tête ailleurs. Loin, très loin de moi-même. Je ne pense plus à poser des questions sur moi-même. Où-vais-je-où-cours-je-dans-quel-état-j'erre... Balayées ces interrogations métaphysiques qui, extériorisées de mon esprit, me semblent ridicules, voire misérables. Je n'ai pas réglé mes problèmes, je n'ai pas appris à me supporter, je n'ai pas réussi à m'accepter. Mais j'ai oublié de me ronger le coeur avec tous ces questionnements. Si je n'ai plus de problème, c'est que je ne m'en pose plus. Mes états d'âme sont entre parenthèses. Je ne suis pas pressée de les retrouver. Pour une fois qu'ils font silence, je préfère les garder bien à l'étroit dans leur mutisme. Ils m'ont trop fait crier jadis.

Ouverte au monde extérieur, j'oublie de regarder ce qui se passe en mon monde intérieur. Parfois, dans une secousse de conscience, je me rappelle à moi-même. C'est alors déstabilisant : comment donc, je peux avancer sans me regarder ? Plus encore, puis-je encore être moi-même si j'oublie de me laisser contempler par ce double inquiet de moi-même ? Puis-je ressentir la pointe évanescente de mon existence si je ne veille pas à l'attraper au bout des mots ? Mais très vite, le flot du monde extérieur revient m'envahir. Ces questions paraissent grotesques. Je les étouffe et, avant que j'ai pu m'en rendre compte, je suis passée à autre chose. Autre chose que moi-même.

Je ne sais pas combien de temps cet état de suspens va durer. Probablement est-il presque parti puisque ce soir je me suis remise à écrire. Car je sais bien que cet état est incompatible avec l'écriture du moins l'écriture de ce journal. M'évader de moi-même, c'est laisser les mots dans le silence. L'écriture, forcément, me fait revenir à moi-même, et certainement plus à mes angoisses qu'à mes joies. Il faut accepter cette nécessité : s'oublier soi-même, c'est un peu mettre entre parenthèses l'écriture. Tant pis... ou tant mieux ?

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