Mercredi 16 juin 2010

Forcément revenir

Il est temps, je crois, de retrouver  aujourd'hui le chemin d'ici.

Des mois d'hiver, ne disons rien. Le travail, la fatigue, les nuits qui tombent trop vite dans le soir glacé... Passons sous silence le début de l'année. Cela ne vaut pas la peine de s'en souvenir. Sautons directement au printemps.

En avril, j'ai voulu revenir écrire ici. Venir me raconter, me regarder vivre et partager. En avril, j'ai voulu raconter la nostalgie des cerisiers en fleurs à l'autre bout du monde. Raconter notre hanami personnel sous les arbres roses du parc de Sceaux, les bento artistiques d'O. et les yeux pétillants du petit Valentin courant sous les arbres fleuris. Pendant ce temps-là, les oiseaux de tissu s'envolaient sous ma machine à coudre et je regardais Mina sur les genoux de mon père, et puis les tulipes jaunes dans le jardin des Tuileries, et le sourire de ma nièce sur les genoux d'O. En avril aussi, je scrutais le calendrier et je comptais. Pour rien.

Mais en avril, je n'ai pas pris le temps d'écrire tout ça.

En mai, j'ai dit Il faut que je vienne écrire ici. Écrire la ville qui gratte le ciel et défie la mer. En mai, j'ai voulu retenir sur l'écran ma main serrée dans la main d'O. et mes yeux émerveillés devant New York la merveilleuse qui m'a fait voyager comme dans un film. Trouver les mots pour ne pas oublier et fixer dans mon carnet la ville qui hurle sous les sirènes, les policiers obèses au coin des rues et le sommet de l'Empire State Building qui contemple le monde à ses pieds. Un peu plus tard, revenue à Paris, devant un chocolat chaud d'Angelina j'ai retrouvé mes soeurs d'adoption et j'ai écouté leurs nouvelles vies qui commencent. De retour à la maison, je me suis dit que ma vie à moi ne changeait pas et était toujours pareille. J'ai été un petit peu triste. Et puis je me suis remise à guetter devant le calendrier et à attendre. Sans m'en apercevoir.

Mais en mai, je n'ai pas vu le temps passer et les souvenirs se sont précipités dans le silence. Je n'ai pas écrit.

En juin, j'ai pensé Quand même, il faut que j'écrive quelques mots sur le mariage de J. Même entre les lignes, évoquer son sourire radieux et sa robe blanche, et puis aussi parler d'O., si sérieux dans son costume de témoin ressorti du placard pour le mariage de sa soeur. Je me suis dit aussi qu'il fallait peut-être écrire sur ces livres que je n'ose pas encore appeler les "miens" et qui, ailleurs que chez moi, se préparent à sortir au grand jour.

Mais juin a commencé sans que revienne vraiment le désir d'écrire tout ça.

Et puis, ce matin, à mon lever, quelque chose a changé. Une nouvelle que j'attendais depuis des mois s'est dessinée en rose au bout d'un tube en plastique. J'ai compris alors qu'il n'y avait plus d'excuse pour ne plus écrire et qu'il me fallait de nouveau retrouver les mots rassurants et les écrire ici.

Écrire pour ne pas oublier toute cette nouveauté qui soudain m'est offerte.
Écrire pour dire la joie et la peur mélangées.
Écrire pour faire taire l'angoisse revenue tout à coup.
Écrire pour réapprendre à apprivoiser le temps.
Écrire pour donner la parole à ce corps que je vais redécouvrir.

Écrire surtout pour lui. Cet être minuscule que je ne connais pas encore et qui me semble si lointain, presque irréel.
Écrire pour lui dire merci d'être arrivé. Et lui demander peut-être de me pardonner d'être ce soir si bouleversée devant sa présence.

Ce soir, il y a tout ça : mon désir, mes peurs, ma fierté, mon incrédulité, mon impatience, mon excitation, mon amour. Et aussi O., bien sûr.
Et au milieu de tout ça, je ne sais plus vraiment qui je suis.

Alors oui, j'ai besoin de retrouver les mots jusqu'à moi-même. Aujourd'hui, plus encore que tous les mois passés. Mon journal, ma bouée, ma mémoire. Merci.

Regards extérieurs, c'est ici !

Introduisez votre adresse e-mail
pour être averti lorsqu'un nouveau Regard sera ouvert :
InscriptionDésinscription
 
Il y a un an.
Il y a deux ans.
Il y a trois ans.
Il y a quatre ans.
Il y a cinq ans.
Il y a six ans.
Il y a sept ans.
Il y a huit ans.
Il y a neuf ans.
Il y a dix ans.
Il y a onze ans.