Lundi 2 mai 2011

Le matin et le soir

1er mai. Fête du muguet, fête du travail. Je ne travaille pas et les brins de muguet sont tout flétris, quelle ironie. Mais le soleil est là. J'ai trop chaud dans mon imperméable noir et mes chaussures fermées. Dans la rue, les femmes sont en sandales et les hommes portent des tee-shirts. Le temps passe vite et je n'ai pas vu le printemps arriver, gardant sur mon dos les vêtements d'hiver. À vrai dire, voilà des semaines que je n'ai plus vraiment la notion du temps. Les familles sont en terrasse des cafés et se reposent des courses du marché. Avec O., nous sommes partis ensemble pour le marché, mais nous nous sommes perdus l'un l'autre une fois sur place. Je marche entre les stands, avec mon petit bébé collé contre ma poitrine. N'a-t-elle trop chaud dans son petit gilet mauve ? Après avoir fait trois fois le tour du marché sans trouver O., je finis par rentrer. Mon pas est léger dans la rue ensoleillée. Cette nuit et ce matin, la Sardine a avalé ses trois derniers biberons sans pleurer. À moitié de biberon, elle a même souri, faisant éclater une joie nouvelle. Je serre les mains de mon petit bébé qui dort contre moi dans le porte-bébé et je souris toute seule. Je pense à Copine Juju qui rentre aujourd'hui de la maternité. Je me dis que peut-être ce sera dur pour elle aussi les premières semaines, mais qu'il faut que je lui dise qu'après ça va mieux, que c'est vrai que quand ils grandissent tout devient plus simple, plus léger, plus joyeux, que pour nous enfin les difficultés sont derrière nous. Lui dire que deux mois et demi après, on peut marcher d'un pas léger dans les rues ensoleillées.

1er mai toujours. La Sardine n'a pas fini son biberon de 12h30 et a pleuré. 1er mai encore. La Sardine a à peine bu son biberon de 15h30 et a pleuré une heure sans s'arrêter. 1er mai toujours. Je porte depuis trois quarts d'heure la Sardine sur mon bras, la baladant d'une pièce à l'autre de l'appartement, en espérant qu'elle va enfin s'arrêter de pleurer et finir son biberon de 18h30. En vain.

C'est la fin de la journée. J'ai oublié mes pas légers du matin, les rues ensoleillées et les sourires aux lèvres de mon bébé. Je n'ai plus que le souvenir des cris de l'après-midi et des biberons inachevés. Une mauvaise humeur me colle à la peau, indécrottable. Elle est accrochée à mes baskets comme un mauvais chewing-gum. Je dis à O., Je suis crevée, je n'ai pas pu me reposer du week-end. Je répète à O., Je n'y arrive pas, qu'est-ce que je fais de pas bien ? Je dis encore, Je vois tout en noir ce soir, j'ai l'impression que ça ne finira jamais. Je suis odieuse, je pourris la soirée de O., ressassant inutilement mon découragement. O., envahi par ma mauvaise humeur, interroge, Mais pourquoi t'es comme ça ? Je réponds que je n'aime pas ces journées vides où le seul projet est d'arriver au soir sans être trop fatiguée. J'aimerais pouvoir du matin au soir marcher d'un pas léger. J'aimerais regarder les sourires de mon bébé en me disant qu'à ses côtés je vais continuer d'écrire, de lire et de me lancer dans de jolis projets. Plutôt que de me réveiller en pensant que le seul but de la journée est de ne pas craquer lorsque le bébé reprendra ses pleurs au lieu de manger.

Le 1er mai se termine dans le silence de la chambre. Je me suis couchée à 20h30 pour ne pas être exténuée quand la Sardine se réveillera à 2h30 pour faire hurler sa faim. Je n'arrive pas à dormir. Je me dis que décidément je ne l'écrirai pas maintenant, ce mail à Copine Juju. Ce mail où je lui dirai qu'après c'est mieux. Car après, quand est-ce que ce sera ? Dans deux mois ? Dans deux ans ? Dans cinq ans ?

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