Mercredi 4 mai 2011

La mère et l'enfant

Il y a ce lien entre elle et moi qui, tout doucement, se resserre, presque imperceptiblement, jour après jour. Ce n'est pas moi qui tiens les liens, c'est elle. C'est elle qui fait tout : elle qui m'attache et qui me rends irremplaçable.

Au début, il y avait ce petit bébé vagissant. C'était le mien, je le savais. On me l'avait mis dans mes bras, quelques secondes après sa naissance, et on m'avait dit "voilà votre fille". Il n'y avait pas de doute : c'était rationnellement mon enfant. Entre cet enfant et moi il y avait d'abord cette certitude nourrie de raison et de logique. Cet enfant, je l'aimais, parce qu'on m'avait dit que c'était mon enfant et que je ne pouvais pas faire autrement que l'aimer.

Deux mois et demi sont passés. Quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre mon enfant est avec moi. Nous ne nous séparons que dans le sommeil, chacune du côté du couloir, chacune dans son lit. Le reste du temps, ma vie respire au rythme de mon bébé. À sa naissance, j'avais l'impression que n'importe qui pouvait s'occuper de la Sardine et qu'elle ne voyait pas la différence. Il y avait les puéricultrices qui passaient dans sa chambre à la maternité, ou plus tard à l'hôpital-paquebot. C'était des dames jeunes ou plus âgées qui la prenaient dans leurs bras et lui parlaient avec douceur en lui prodiguant les soins nécessaires. Elles savaient y faire avec les bébés et je me disais qu'il fallait que je fasse comme elles – apprendre à changer une couche, à mettre du sérum dans le nez, à nettoyer le cordon ombilical. Sans trembler, sans hésiter. Moi qui n'avais quasiment jamais tenu un bébé dans les bras, j'avais tout à découvrir. Dans les bras des autres femmes que moi, j'avais l'impression que la Sardine était en sécurité. Ces femmes devaient savoir mieux que moi, puisque c'était leur métier. Aujourd'hui, tout est si différent. La Sardine n'est plus dans d'autres bras que les miens. Plus encore, la Sardine sait que ce sont mes bras et pas les bras d'une autre. Depuis quelques semaines, elle a pris conscience de ma présence. Elle me regarde, me sourit. Elle se calme lorsque je la prends dans mes bras, alors qu'elle pleurait l'instant d'avant dans les bras de sa Mamie. Lorsque le soir son Papa lui donne le biberon et que je suis à ses côtés, elle me regarde au lieu de le regarder lui. Elle tourne la tête, coinçant presque le biberon contre son cou, pour ne pas quitter mon regard. Lorsque je lui parle, elle tourne la tête vers moi, son visage s'illumine et elle accroche à ses lèvres un large sourire. Son Papa est jaloux : "Pourquoi à moi elle ne sourit pas comme ça ?" Je ne dis rien. Je la regarde, elle, ma fille, qui m'a fait apprendre ce nouveau métier de mère et qui me dit, à chacun de ses sourires, que oui, je sais. Que je sais mieux que quiconque.

C'est l'enfant qui fait la mère. Pas l'inverse. Elle a accouché de moi.

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