Mercredi 10 août 2011

De l'autre côté de la barrière

Nous voilà une nouvelle fois tous ensemble dans un aéroport. Cette fois-ci, ce n'est pas nous qui attendons derrière la barrière que Joli-Frère et Jolie-Sœur enregistrent leurs bagages. C'est nous qui partons, c'est eux qui restent. Ce n'est plus Paris-Charles de Gaule, c'est Montréal-Trudeau. La petite Oriane a grandi. Elle n'a presque plus besoin de sa poussette désormais. Et il y a un nouveau personnage sur le quai des adieux. Un petit bébé blond qui sourit quand on lui sourit et qui tend ses bras pour attraper les lunettes.

On est là, tous ensemble, à marcher dans le grand hall de l'aéroport. On dit, Va falloir se dire au-revoir, quand est-ce qu'on se revoit la prochaine fois ? Il y a un petit pincement dans le cœur. Ça fait un petit peu mal. Je regarde Oriane qui mange des frites géantes dans un emballage imitant une automobile. Je sais que cette fois-ci, je ne pleurerai pas. Pas comme la dernière fois.

La dernière fois, c'était il y a 13 mois. La veille au matin, O. m'avait tenu la main pendant que l'infirmière me piquait le bras. Il faisait très froid. C'était bientôt le premier jour de l'été, mais je n'étais pas assez couverte. Plus tard, au téléphone, l'infirmière m'avait dit, C'est positif madame. Il était presque midi, le laboratoire d'analyses médicales allait fermer. J'avais envoyé un SMS à O. Juste avec ce mot : Positif. Le lendemain, on était là, dans ce grand aéroport. J'avais dans la gorge un début de rhume et là, tout au creux de mon ventre, un doux secret dont je ne savais que faire. Dans la voiture, j'avais dit à O., Il faut le dire à ton frère, lui dire avant qu'ils ne partent, lui dire en face plutôt que par téléphone. O. n'avait rien répondu. Il était comme moi, il ne savait pas trop quoi faire de ce secret. C'était un secret tout petit et tellement immense à la fois. Il nous rendait heureux et en même temps il nous terrifiait. Alors, lorsque j'ai vu Jolie-Sœur et Joli-Frère franchir la barrière de la douane, je n'ai pas pu retenir mes larmes. Ça coulait tout seul, sans que je ne puisse rien faire ni contrôler. Je pleurais de voir partir Jolie-Sœur et Joli-Frère de l'autre côté de l'Atlantique, émue à la pensée qu'ils allaient construire désormais leur vie loin de la nôtre. Mais je pleurais aussi de voir partir une partie de ma vie, bouleversée par ce petit être qui s'était niché au creux de mes reins. Je savais que tout allait changer pour eux, pour moi. Et ça me faisait chialer. Parce que je n'avais pas d'autres moyens que les larmes pour exprimer ce flot d'émotions qui se déversait en moi.

Lorsque j'ai franchi la barrière des contrôles à l'aéroport de Montréal, j'ai jeté un dernier coup d'œil de l'autre côté de la barrière. J'ai fait au-revoir de la main et j'ai attrapé la petite main de la Sardine pour mimer un geste d'adieu. Je me suis dit soudain que c'était peut-être pour cela que j'avais fait ce voyage. Pour boucler la boucle. Et en même temps pour la desserrer et me prouver que les adieux ne sont jamais que des au-revoirs.

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