Parenthèse estivale
Ce sont des jours bizarres. Des jours qui ressemblent à l'ordinaire, et pourtant n'y ressemblent pas. Un automne qui ressemble à l'été, et qui pourtant file vers octobre. Des journées de travail qui ressemblent aux vacances, et qui pourtant entassent les travaux urgents sur le bureau. Et un bébé qui me ressemble, et qui pourtant ne me ressemble pas.
Ce matin, j'ai sorti du placard mon tee-shirt "I love Beyrouth". Un petit débardeur noir avec un gros cœur rouge en strass, acheté dans une petite boutique d'Hamra, quartier commerçant de Beyrouth, à deux pas de la Corniche. En fermant les yeux, je sentirais presque le parfum de la figue et entendrais presque la rumeur furieuse de la ville. J'ai ressorti également de la commode de la Sardine la petite robe à rayures roses que j'avais cousu cet été pour elle. Une petite robe tablier réalisée en double exemplaire : un premier modèle en 6 mois et un second en 2 ans pour sa cousine. En fermant les yeux, je revois les deux fillettes sur le balcon de l'appartement de Montréal. La grande, brune au regard mutin, qui tend ses mains vers la petite, gros bébé aux joues roses qui se cache dans sa poussette. Les vacances sont là, tout près. Ça sent la légèreté et la paresse. Pourtant, quand la Sardine me réveille à 7h, c'est maintenant la nuit de l'autre côté de la fenêtre de la cuisine. Et le soir, lorsque je tire les rideaux sur la Tour Eiffel qui fait scintiller les 20h, j'imagine la nuit noire qui, de nouveau, aura envahi bientôt Paris pour dégringoler vers l'hiver.
Je mets mes sandales, laisse mon foulard au porte-manteau et attrape mon sac de piscine. J'hésite : faut-il mettre des chaussettes à la Sardine aujourd'hui ? J'attrape tout de même les petites chaussettes et les glisse dans le sac à langer, à côté de la crème solaire. Le cœur un peu serré, j'imagine soudain combien ce sera dur quand le beau temps sera parti. Quand l'automne, enfin, ressemblera à l'automne, prélude sévère à l'hiver. Quand il faudra allumer le chauffage et ressortir les collants. Quand il faudra mettre dans une boite étiquetée "vêtements 3-6 mois" la petite robe tablier que la Sardine ne revêtira plus jamais. Quand la parenthèse estivale de septembre sera terminée.
L'année dernière, presque un an jour pour jour
Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. Il y a huit ans. Il y a neuf ans. Il y a dix ans. Il y a onze ans. Il y a douze ans. |