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pour m'écrire


































































































hier demain
Jeudi 30 novembre 2000

Lorsque j'ai installé le navigateur Internet Explorer sur mon nouvel ordinateur, il y a maintenant plus d'un an, une erreur a du se passer dans la manoeuvre, sans que je m'en aperçoive. En effet, quelques mois plus tard, je me suis aperçue qu'à chaque fois que je désirais aller sur une page écrite avec le logiciel Flash, il m'était impossible de la lire, justement parce que ce programme manquait sur mon ordinateur. Je l'ai téléchargé, mais rien ne se passait. J'ai réinstallé plusieurs fois le navigateur, mais l'installation plantait toujours au même endroit. Un ami a mis, lui aussi, le nez dedans, sans trouver ce qui ne convenait pas. Alors, le week-end dernier, j'ai fini par effacé Explorer 5 pour revenir à la version précédente, moins récente, mais me permettant au moins de visiter toutes les pages. Bon, ce n'est pas de cela dont je veux parler. Ces soucis techniques me donnent mal à la tête.

Ce qui m'a inquiétée, et même fait peur, c'est qu'en effaçant la version du navigateur sur laquelle j'évoluais depuis un an, j'ai cru un instant avoir effacé tous les messages que j'avais reçus depuis juin 1999. En effet, en retrouvant la version première d'Explorer, j'ai retrouvé aussi la configuration exacte qu'avait eu mon ordinateur à cette époque. J'ai retrouvé ainsi, dans mon logiciel de courrier, un message de mon ex-coécriveur, Fred, au tout début où notre journal commun avait été mis en ligne. C'était le commencement de notre aventure diariste. Il y avait cette excitation des premières fois, cette joie nouvelle à découvrir, pour la première fois, que nous avions des lecteurs et que notre activité en duo avait une continuité par-delà les écrans. Dans ce message daté du 30 juin 1999, Fred disait ainsi : "Quelque chose s'est passé que je n'ai pas encore identifié !!! Nous venons probablement d'être inscrit quelque part car notre site a été visité 10 fois aujourd'hui (je ne compte pas le 11ème... c'est moi !) et il n'est pas 18 heures, avec des hits de Suisse et du Canada... Bientôt le succès planétaire !!! Arghhhh, c'est bon !!! non ?". Avec le recul du temps, il faut avouer que notre succès n'a jamais été planétaire. Mais j'étais presque émue de ce bond fait dans le passé. En retrouvant les messages tels que je les avais reçus à l'époque, j'avais l'impression de revivre ces premières heures de création.

Mais, malgré ma nostalgie à relire ces anciens messages, j'ai aussi et surtout paniqué devant la maigreur de mon logiciel de courrier. Ces quelques messages avaient rejailli, mais ceux que j'avais reçus entre juillet 1999 et novembre 2000 avaient disparu. Volatilisés dans l'espace virtuel, aspiré dans un trou noir certes symbolique, mais malgré tout bien réel.

En effet, j'ai l'habitude de garder tous les messages que je reçois. Tous les messages qui me sont directement adressés du moins (je jette les messages sans intérêt des listes de diffusion auxquelles je suis abonnée). Je les classe soigneusement dans des dossiers. Chacun de mes expéditeurs a un fichier à son nom, soit pour lui tout seul (pour mes amis intimes), soit commun (pour mes lecteurs par exemple). Peut-être cette habitude est-elle vaine, puisque je relis peu mes messages en fin de compte. Mais j'ai besoin de les garder quelque part, d'en avoir une trace, pour pouvoir retrouver les attentions de mes amis à une certaine période de ma vie. Un message électronique, lorsqu'il m'est personnel, est pour moi aussi important qu'une lettre que je peux recevoir dans ma boite aux lettres. De la même façon que je garde précieusement dans une grande valise tous les lettres et cartes postales que j'ai pu recevoir depuis mon enfance (et cela commence par les lettres de ma marraine, ou celles, touchantes, de mes parents lorsque j'étais en colonie de vacances), de même j'estime important de ne pas détruire les messages qui m'ont été écrits. Chacun mis bout à bout constitue une fine trame de mon existence. La trame visible des mots écrits. Le discours parallèle de l'écrit qui parfois se confond avec l'action réelle de la vie. Même si cela m'arrive assez peu souvent, parfois, tout de même, je vais ouvrir un de ces vieux dossiers, et je relis quelques lignes d'un message. Je suis alors bouleversée par les longs paragraphes très personnels qu'a pu m'écrire cette amie de lycée aujourd'hui perdue de vue, mais qui m'a écrit de grands messages très profonds pendant plus d'un an. D'autres fois je suis amusée lorsque par exemple je relis les quelques lignes écrites par l'amie qui m'avait présenté Roméo l'année dernière et qui, après notre première rencontre, note que celui-ci m'avait trouvée "pas mal" (hum, j'aurais dû me méfier dès ce moment là !). Et il y a tant d'autres messages encore. Les messages pratiques : "Rendez-vous place de la Sorbonne à 18 heures". Les messages tendres (rares, il est vrai, mais on peut en retrouver quelques uns, en cherchant bien). Les messages disputes ("tu as été trop loin, puisque c'est comme ça, je ne t'écrirais plus !"), suivis des messages réconciliations ("Pardonne moi, j'ai été excessif."). Les messages très terre à terre de ma Maman aussi ("Couvre-toi car il doit faire froid chez toi."). Les messages fleuves et les messages éclairs. Les messages des premières rencontres et les messages des vieilles connaissances. Ma vie est retenue, comme arrêtée dans ces relations épistolaires, si modernes soient-elles, si dépersonnalisées et si froides peuvent-elles paraître. Je tiens trop aux gens ou j'ai trop tenu à eux à un moment donné de mon existence pour ne pas vouloir leur donner une existence historique, et non pas éphémère, comme pourtant le courrier électronique semble destiné à être.

Alors, quand j'ai cru que tout était perdu, j'ai eu très peur. Comme si ma valise remplie des lettres de mon enfance et de mon adolescence avait brûlé. Lorsque j'ai pu résoudre le problème technique, ma joie à retrouver tous mes anciens messages a été presque plus grande que celle que j'avais pu avoir à recevoir, en son heure, chacun d'entre eux. Cette disparition qui a été sur le point d'être fatale pose expressément le problème de la conversation des correspondances électroniques. Comment conserver ces traces moins encombrantes semble-t-il que des lettres sur papier, mais en réalité bien volumineuses, car plus nombreuses (on s'écrit bien plus souvent par mail que par courrier postal), plus hétéroclites (j'ai bien plus de correspondants différents que dans les correspondances postales traditionnelles), et moins officielles (la plupart des mails sont écrits sans grand effort de style et dans un souci plus grand de rapidité) ? Impossible de tout imprimer, cela prendrait trop de temps, trop de papier, et trop d'encre (et puis ensuite trop de place à ranger). Impossible de tout mettre sur disquette (les manoeuvres sont trop longues et sans compter le nombre de disquettes qu'il faudrait, j'imagine que j'aurais peu de courage de me donner autant de mal pour relire un seul message). Alors ?

Avez-vous une idée ? Que faites-vous vous-mêmes avec vos messages électroniques ?



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